En dépit des assurances de l'ABEF, la “guerre des chèques” continue. Désormais, les banques privées algériennes n'ont plus droit de cité. Leur crédit semble cette fois sérieusement menacé, non pas par le fait naturel du marché, mais surtout et beaucoup plus du fait de certaines décisions, pour le moins surprenantes, qui tentent de les étouffer dans leur activité capitale : le crédit et la confiance. En effet, tout récemment, l'entreprise Naftal a pris la ferme résolution de ne plus travailler avec les banques privées “à l'exception des banques à capitaux étrangers”, est-il soigneusement souligné dans cette instruction officielle affichée par cette entreprise. En effet, en date du 30 juin dernier, le département des finances de Naftal adresse une note aux directeurs des districts dans laquelle il est indiqué que, “suite aux mesures prises actuellement par la Banque extérieure d'Algérie, en relation avec les institutions financières privées (à l'exception des banques à capitaux étrangers), nous vous demandons de surseoir à toute acceptation de valeurs, chèques visés, traites, traites avalisées, cautions et autres titres sur ces banques privées”. Grave précédent. Une première aussi, puisque, du coup, Naftal, sous la pression évidente de sa banque, la BEA, s'érige en autorité monétaire et se substitue à la Banque d'Algérie. Elle balaye d'un trait la crédibilité de la place et remet en cause jusqu'à la valeur des agréments dont jouissent ces établissements bancaires privés nationaux. Naftal décrète ainsi unilatéralement que l'ensemble des banques privées algériennes sans distinction est insolvable. Dans sa note interne, elle jette le discrédit sur le privé national et fait ainsi la part belle aux banques étrangères implantées en Algérie. Elle suggère que seules ces dernières seraient crédibles. Faut-il entendre que, du point de vue banque, il serait plus intéressant aux yeux de Naftal de consommer “étranger” ? Outrés par une telle décision qui, de surcroît, émane d'une entreprise nationale, des banquiers privés ayant requis l'anonymat s'interrogent : “Depuis quand un opérateur s'érige-t-il en autorité de régulation ?” “Comment une banque publique comme la BEA fait-elle pression sur sa clientèle afin de lui demander de ne plus accepter les chèques du privé algérien ?”, s'indignent encore nos interlocuteurs. En fait, nous sommes pratiquement dans la même situation que celle qui consiste pour une banque algérienne d'imposer à son client de choisir un bien étranger en lieu et place de celui fabriqué localement sinon elle ne le financerait pas. D'aucuns aussi ne manquent pas de relever que ces excès de prudence “injustifiés” et qualifiés de dangereux pour la stabilité de la place auraient dû se manifester à l'époque où El-Khalifa Bank “polluait le marché” sans qu'aucune appréhension se manifeste. Par ailleurs, il est des banques privées nationales qui n'ont manifesté aucun incident de paiement, ne figurant point sur les listes rouges de la centrale des risques — si celle-ci existe toujours — au niveau de la banque des banques. Si toutes les entreprises nationales de l'envergure de Naftal réagissaient avec autant d'appréhension, il est à se demander s'il ne faudrait pas entreprendre finalement une réflexion sérieuse qui se pencherait sur la fermeture pure et simple des banques privées nationales. Y compris celles qui affichent des bilans et documents de contrôle périodiquement en toute transparence. Dans le cas de Naftal, “l'audace” est poussée encore plus loin ; la direction des finances et de la comptabilité demande à recenser “les clients domiciliés” auprès des banques privées. En clair, il s'agira probablement de tenter de “débaucher” ces clients et les inciter — pourquoi pas les forcer — à changer de banque. Cet autre dérapage mérite réellement que l'institution officielle se manifeste, car la cacophonie ne sert point les intérêts de la place. L'ABEF (Association des banques et établissements financiers), même si elle a réagi pour être rassurante, ne peut, en aucun cas, ignorer ces pratiques nouvelles connues de tous. Au fait, l'ABEF a-t-elle le statut d'autorité de marché et dans quelle mesure pourrait-elle intervenir ? A. W.