Les pratiques irrégulières sont érigées en mode de gestion. Le voile n'est pas entièrement levé sur les pratiques de certaines banques privées. Cela va des dépôts fictifs à une politique de crédit étrangère à la réglementation de la Banque d'Algérie. C'est ce que nous apprend un expert financier et ancien responsable de banque très au fait des opérations de la place. Revenant sur l'affaire El Khalifa Bank, il nous confie que Abdelmoumène Khalifa entrait, en personne, dans les agences et prenait, dans des sacs, des sommes importantes qui servaient à alimenter la compagnie aérienne Khalifa Airways, entreprise qui avait d'énormes besoins de liquidités pour son exploitation. La même source confirme les aveux de plusieurs banquiers, selon lesquels, la BADR, la BDL et la BNA ont placé sur le marché monétaire un montant global de plus de 10 milliards de dinars, soit mille milliards de centimes. Argent dont a bénéficié El Khalifa Bank. Mais ces banques publiques n'arrivent pas à récupérer leur dû, en raison de la suspension puis de la liquidation de l'établissement de Abdelmoumène Khalifa. Les placements sur le marché monétaire sont légaux, selon notre source. Mais ce qui est moins toléré, ce sont les bons de caisse et autres dépôts, pour profiter d'un taux d'intérêt bien supérieur à celui pratiqué sur la place. On parle d'un taux de 13 à 17%. Une banque avec ces taux travaille à perte. Mais beaucoup d'entreprises publiques, alléchées par le loyer de l'argent, ont versé dans la combine. Une source sûre nous cite la société d'assurances de Sonatrach, Cash, et un grand hôtel de la capitale. Ce qui semble étonnant, souligne l'expert, c'est que la Banque d'Algérie ne soit pas intervenue pour mettre fin à des pratiques de taux d'intérêt hors normes bancaires. Concernant la loi sur la monnaie et le crédit, élaborée à l'époque du gouverneur, la même source a souligné qu'elle est révolutionnaire. Elle a encouragé la création de banques privées. Mais, très vite, la Banque d'Algérie s'est trouvée face à un sérieux problème. Un conflit entre le principal actionnaire et le DG de banque dans le cas de l'Union Bank, la première banque privée. Après, s'est posée avec plus d'acuité, avec l'affaire El Khalifa Bank, la question du management des banques privées. “Ce n'étaient pas des professionnels qui avaient de l'expérience pour gérer la banque. C'étaient des hommes d'affaires véreux, des trabendistes qui géraient la banque”, témoigne une source sûre à propos d'une banque privée. En principe, l'octroi d'un financement, surtout lorsqu'il est important, passe par le comité de crédit qui doit étudier le risque, voir s'il répond aux règles prudentielles. C'est une règle bancaire universelle. “Ma signature vaut autorisation”, répondait à l'envi, à propos de l'octroi de crédit, un pdg d'une banque privée, à ses collaborateurs surpris par une réplique traduisant un mode de gestion qui n'a rien avoir avec les règles bancaires universelles. C'est comme si l'on gérait un simple commerce, une société d'import-import. On a accordé, par exemple, un crédit de plus de dix milliards de centimes à un seul client, soit un engagement énorme, sans étude du risque, sans demander des garanties. Cette transgression de la réglementation bancaire comme mode de gestion est allée jusqu'à l'institution de bons de caisse fictifs. Autre vide, en un sens, la banque fonctionne comme une Spa. Selon la réglementation, on peut ouvrir une banque avec 25% de capital, le restant à libérer dans les cinq années suivant son démarrage. La brèche est ouverte : la somme de 500 millions de DA, nécessaire pour ouvrir une banque, représente un capital dérisoire. Et on peut se permettre de ne libérer, au départ, que 125 millions de da pour commencer ses activités. C'est pourquoi des professionnels de la place suggèrent un montant minimal de 20 millions d'euros, soit près de 2 milliards de DA, pour ouvrir une banque en Algérie, comme somme globale devant être libérée au départ. La même source rapporte une anecdote édifiante. Les autorités bancaires suisses ont refusé la nomination d'un responsable, un Algérien, à la tête d'une banque algéro-suisse pour une question de qualification. Il a dû faire une formation de gestion bancaire pour décrocher le poste. Dans la foulée, des experts demandent que le PDG de banque, le président du conseil d'administration, ainsi que le principal actionnaire soient des professionnels, qu'ils soient rompus aux règles de gestion bancaire. Ce qui n'a pas été le cas de Abdelmoumène Khalifa. L'Algérie l'apprend à ses dépens avec le scandale d'El Khalifa Bank qui ternit son image au point de lui créer des difficultés en matière de perception du risque-pays auprès de ses principaux partenaires. L'effet Khalifa a fait que les banques privées sont exclues, actuellement, du marché monétaire et des échanges de chèques. Cette marginalisation lèse les banques privées qui respectent, soulignons-le, la réglementation. Cependant, n'incriminons pas tout le monde. Il existe sur la place de vraies banques privées. Mais pourquoi la Banque d'Algérie ne sépare pas le bon grain de l'ivraie, en actionnant sur, notamment le problème des chèques, la Centrale des risques. Une instance qui prononce les interdictions de toutes opérations bancaires pour les auteurs de chèques en bois. Ceci est une autre affaire. Contentons-nous de la morale de l'histoire : la banque est une activité trop sérieuse pour être confiée à des tranbendistes ou, comme le caricature un financier, à des marchands de brochettes. N. R. Collectif des clients d'el Khalifa Bank Communiqué “Conformément aux principes que nous avons exposés à monsieur le président de la République dans notre lettre ouverte, nous refusons la logique de liquidation et rejetons toute démarche qui viendrait à l'avaliser. Le sort de la banque n'est pas de notre compétence. En revanche, nous sommes victimes des carences des institutions financières et bancaires de l'Etat qui l'ont agréée et en avaient la charge en terme de contrôle et de suivi. Nous sommes écœurés par le silence assourdissant de la classe politique, dans son ensemble, devant ce hold-up légalisé. Mais que ces prétendus responsables politiques sachent qu'ils ne pourront pas éviter le déballage du linge sale, si c'est ce qu'ils craignent ! Des engagement ont été pris en faveur de certaines catégories de clients : - opérateurs étrangers ; - organismes sociaux : Caisse des retraites, Sécurité sociale, Caisse de chômage et autres mutuelles. Et nous nous en félicitons. La SGDB, créée dans l'urgence (par décision politique) pour mettre l'administration en conformité avec la loi, couvre les dépôts inférieurs à 600 000 DA, c'est aussi un motif de satisfaction. Mais, les déposants dont le montant des avoirs est supérieur à ce seuil doivent bénéficier d'une décision similaire. Le remboursement des liquidités et la transformation des DAT et bons de caisse en bons de Trésor est une mesure qui s'impose si l'on a le souci de l'équité. À ce titre, nous invitons les clients concernés : - à refuser “l'indemnisation” de 600 000 DA proposée pour éviter de cautionner le processus de liquidation engagé, sans aucune base légale par ailleurs ; - à revendiquer le maintien de leurs avoirs dans la monnaie de dépôt ; - à ne se dessaisir, à aucun prix, de leurs documents officiels (livret d'épargne, bons de caisse, DAT, etc.) sous prétexte de formalités administratives liées au remboursement, sauf s'ils sont soldés. Si nécessaire, des photocopies certifiées conformes, devraient suffire.”