Depuis un certain temps, les banques publiques ont décidé de ne plus accepter de chèques émanant de leurs homologues privées. Notre journal avait rapporté l'information qui avait fait réagir le ministre des Finances à l'occasion de la clôture de la 36e Foire internationale d'Alger. Benachenhou avait, alors, exhorté la communauté bancaire publique à reconsidérer sa décision, à ne point faire dans la confusion et à éviter de généraliser, suggérant qu'“il y a des privés qui travaillent sérieusement”. En réalité, le message du ministre est resté sans suite même si, quelque part, il laisse entendre que la communauté bancaire publique a fait cavalier seul en prenant unilatéralement la ferme résolution de verrouiller le jeu. Qui a donné instruction aux banques publiques de réserver un traitement d'extrême prudence vis-à-vis des chèques émis par leurs consœurs privées, nationales ou étrangères ? La Banque d'Algérie ? Le ministère des Finances ? L'ABEF ? En tout cas, si elle persiste, cette mesure, jugée trop “discriminatoire” et excessive, risque de chambouler non seulement le marché interbancaire et les relations entre organismes financiers mais menace aussi de s'étendre aux circuits commerciaux extra-bancaires et d'affecter bien des contrats de confiance entre opérateurs. C'est la nature des transactions qui en prend un coup, du fait du climat de méfiance qu'une telle attitude bancaire provoque en semant le doute sur les signatures des uns et des autres. Y a-t-il une banque au monde qui peut remettre en cause ou douter de la validité d'un chèque de banque émis par un établissement de renom tel que BNP Paribas ? C'est dire toute la confusion qui règne actuellement, les opérateurs étant légitimement inquiets de voir que même les chèques des banques aussi “certifiées” que la BNP sont traités comme un effet à risque véhiculant un potentiel “illiquidité”. Ni chèque de banque ni chèque certifié, ils sont tous envoyés à l'encaissement pour s'assurer de leur valeur – délais très longs – avant de les comptabiliser. Il n'est point question de leur accorder un quelconque crédit et donc en aucun cas l'escompte – paiement par anticipation — de ces chèques n'est autorisé. En d'autres termes, ni le sérieux ni la solvabilité du bénéficiaire, conjugués à l'assise de la banque privée en question, ne peuvent influer ou changer la décision de ces établissements publics ayant ainsi vraisemblablement réussi le pari de semer le doute et d'amener bon nombre d'opérateurs à refuser systématiquement les chèques du privé. était-ce l'objectif escompté ? Même s'il est vrai que l'appréhension affichée trouve son origine dans certaines pratiques ayant entaché les séances d'échanges de valeurs – compensation – ou des locations illicites de fonds se sont déroulées au détriment de certaines banques publiques. Où est le rôle de la Banque d'Algérie, sachant que l'entretien de ces mesures discriminatoires pourrait entacher l'image du pays vis-à-vis des investisseurs étrangers qui ne comprendraient pas que des chèques de banques privées soient considérés comme monnaie de singe ? La phobie du privé que l'on veut entretenir à l'émission du chèque ne peut qu'engendrer de graves préjudices tant internes qu'externes. Une perte de confiance dans les transactions et un mauvais signal pour les étrangers. L'exclusion de ces banques privées nécessite un tout autre débat sur certaines maladresses qui peuvent avoir un coût “politique”. Le système de régulation doit peser et permettre à la seule orthodoxie financière de s'exprimer librement. Car si cette logique privé-public est maintenue, rien n'exclut que même la Banque d'Algérie, en tant que bénéficiaire d'un chèque émis par un établissement privé, soit tenue de passer à l'obligation d'encaissement et de subir les aléas des délais. A. W.