Pour une première, c'en était véritablement une ! Mohamed Touati, général-major et néanmoins conseiller du Président, chargé des questions de défense, a levé, hier, le voile sur des événements controversés, voire objets d'une grosse polémique, ces dix dernières années. Départ de l'ex-président Chadli Bendjedid, interruption du processus électoral, démission de Liamine Zeroual et l'implication forcée de l'armée dans les affaires politiques, ce sont autant de thèmes que le général a développés, du haut de la tribune du Palais des nations. Son intervention au colloque international sur le terrorisme a largement dépassé son cadre, pour prendre l'allure d'une sérieuse mise au point. Mohamed Touati donne d'emblée le ton, en affirmant que l'arrêt du processus électoral a privé “l'intégrisme islamiste de l'opportunité de démanteler l'Etat national et lui substituer l'Etat théocratique”. Il reconnaît que cette initiative constitue “le dernier de ces épisodes lourds de conséquences pour le pays et la société algérienne tout entière”. L'armée a-t-elle agi seule face à la montée du FIS ? Le général major précise : “Si elle (l'armée, ndlr) a souscrit clairement pour l'arrêt du processus électoral, elle l'a fait de concert avec le gouvernement, ainsi qu'avec d'autres forces politiques et sociales, non pas par aventurisme putschiste mais, bien au contraire, par fidélité à l'esprit démocratique consacré par la Constitution toute nouvelle.” L'officier supérieur de l'armée n'éprouve visiblement aucun regret par rapport à cette période sombre de la crise nationale. Bien qu'il laisse le soin aux historiens de juger, il affirme néanmoins : “Du point de vue de l'autorité militaire, ces prises de positions étaient conformes à l'idéal de progrès auquel aspire le peuple algérien.” Ceci pour l'interruption des élections. Concernant le départ de Chadli, le général Touati a martelé que celui-ci est “parti librement, sous aucune pression”. Il balaie d'un revers de la main la thèse en vogue du coup d'Etat, défendue par le FIS et certains milieux politiques. “Il a démissionné comme le ferait un autre chef d'Etat en pareilles circonstances”, assène, péremptoire, le général qui rappelle, au besoin, la confession de Chadli, il y a une année, dans les colonnes de notre confrère Le Matin. “Y a-t-il eu des pressions sur le Président ?”, s'est interrogé Touati, avant de préciser que cela confirme la déclaration du ministre de la Défense d'alors — Khaled Nezzar — selon laquelle Chadli avait démissionné “en toute liberté de conscience”. L'orateur note, cependant, un tantinet énigmatique, que le départ de l'ex-Président devait servir à l'interruption du processus électoral. “Il est certain qu'elle (la démission, ndlr) est intervenue pour permettre la suspension du deuxième tour du scrutin et donc l'annulation des résultats du premier tour”, affirme, en effet, le général major qui impute implicitement la montée en puissance du FIS à l'intransigeance de Chadli à organiser les législatives. “Les autorités persistèrent à faire tenir, sous pression du FIS, des élections anticipées pour la fin de l'année dans une ambiance délétère, propice à toutes les dérives.” Il est donc évident qu'un doigt accusateur est pointé vers Chadli Bendjedid qui s'est accroché à ses élections, malgré la menace du FIS. Etait-ce donc cette goutte qui a fait déborder le vase pour chasser d'autorité Chadli de la présidence ? Touati s'en défend, puisqu'il affirme que Chadli avait démissionné de son propre chef. Le général révèle que “les nombreuses réactions de la société civile poussèrent le gouvernement et les autorités à rechercher une issue salutaire : et pour les institutions de l'Etat et pour la préservation de la vie démocratique”. Pour le départ de Liamine Zeroual, le général Touati précise bien qu'il s'est fait par “démission”, juste après la promulgation de la nouvelle Constitution et l'élection des Assemblées parlementaires, sans autres éclairages. Par ailleurs, le conseiller à la défense à la présidence souligne que l'Algérie a “échappé à un état d'exception et à une suspension de la Constitution”, suite à l'assassinat de Mohamed Boudiaf, sur rapport de l'autorité militaire. Assassinat que le général Mohamed Touati qualifiera de “grand choc psychologique”. H. M.