Le président Bouteflika, connu pour être issu d'une zaouïa, a grandement misé sur ces confréries religieuses pour contrer l'influence des courants salafistes (djihadiste et scientifique). La tenue du Colloque international de la Tariqa Alawiya à Mostaganem, à l'occasion du centenaire de cette zaouïa, a suscité une levée de boucliers chez les salafistes. Le leader de la zaouïa, Khaled Bentounès, un proche du président Bouteflika, établi en France, a soulevé une véritable tempête politico-médiatique. Raison invoquée par ses adversaires : son livre Soufisme, l'héritage commun contient des images reproduisant le Prophète (QSSL). Mais au fil des jours, les attaques contre M. Bentounès se sont orientées vers ses idées qui vont à contresens du discours salafiste, notamment en ce qui concerne le rôle de la femme dans la société, et surtout la question du hidjab. L'Association des oulémas, relayée par le HCI, s'est embarquée dans une campagne salafiste, en tirant à boulets rouges sur Khaled Bentounès. Mais qu'est-ce qui fait agiter le courant salafiste ? Qui a, réellement, lu ou vu le livre de Bentounès ? En fait, l'image qui fait tellement parler d'elle est une représentation du Prophète (QSSL) entouré de ses compagnons. Le visage du Prophète n'apparaît pas. Mais, au-delà de cette polémique, c'est le rôle des zaouïas qui est pointé du doigt. Le courant salafiste, qui s'est emparé des mosquées et des espaces d'expression, y compris de certains médias, voit d'un mauvais œil l'intrusion des zaouïas dans le débat public sur les choses sacrées. D'autant plus que la Conférence internationale de la Tariqa Alawiya a vu la participation de chercheurs venus des Etats-Unis et du Japon et, de surcroît, a choisi de sortir des murs de la zaouïa pour s'ouvrir aux jeunes de l'université de Mostaganem. Dans un entretien accordé à Tout sur l'Algérie, Khaled Bentounès a clairement annoncé la couleur : “Je ne vous cache pas que j'ai contacté aujourd'hui (ndlr : lundi 27 juillet) le président de la République Abdelaziz Bouteflika pour l'informer de la tenue de notre colloque. Il m'a dit que l'Etat algérien soutient totalement ce projet et fera tout pour sa réussite. Surtout que je l'ai informé que notre objectif est de faire participer toute la société pour instaurer la fraternité et la paix, avec comme objectif un avenir meilleur pour nos enfants.” Le président Bouteflika, connu pour être issu d'une zaouïa, a grandement misé sur ces confréries religieuses pour contrer l'influence des courants salafistes (djihadiste et scientifique). Ne lésinant pas sur les moyens, le chef de l'Etat a tout mis en œuvre pour permettre aux zaouïas d'organiser des colloques internationaux et autres conférences où sont débattues les questions de l'heure. Cependant, il est à se demander si les zaouïas ont les capacités de contrer les courants salafistes. Le soufisme pourrait-il être adopté par toute une société ? Difficile de l'imaginer. Les confréries religieuses ont, de tout temps, été des cercles fermés, des écoles de formation et des centres de rayonnement des sciences islamiques. Même si beaucoup d'entre elles ont des prolongements dans plusieurs pays, et même si leur rôle reste déterminant, notamment lors des élections, il n'en demeure pas moins que les zaouïas restent en marge de la société. Les mosquées, les marchés, les rues, les cafés et les stades sont, eux, laissés aux bons soins des salafistes qui y prodiguent leurs “fetwas” et y imposent leur code de conduite. L'Etat a beau tenter de réguler l'activité des mosquées, celle-ci continue à lui échapper. Plus grave, là où l'Etat brille par son absence, le salafisme puise toute sa force. Le commerce informel constitue, pour lui, un terreau, une terrible arme de guerre qui constitue une véritable bombe à retardement. On ne peut pas remplacer les mosquées par des zaouïas, et l'expérience a prouvé que le discours officiel ne passait pas dans les mosquées. L'Etat, qui a mis toutes ses forces dans la lutte antiterroriste, n'a pas encore trouvé la formule idoine pour combattre la matrice idéologique du terrorisme et ses réseaux tentaculaires de soutien financier et logistique. A. B.