Comment peut-on faire admettre à un propriétaire terrien qu'il doit accepter l'indemnisation fixée arbitrairement par l'Etat, sachant que, au marché noir, son prix est dix fois supérieur ? Le projet de la grande mosquée d'Alger risque de connaître d'importants retards. Bien avant que les travaux ne soient entamés, le mégaprojet, auquel le président Bouteflika accorde une grande importance, croule sous les problèmes. Et comme pour tous les autres grands projets lancés ces dernières années, la question des indemnisations des personnes expropriées refait surface. L'autoroute Est-Ouest en a été la dernière illustration. Ce “projet du siècle” a connu de nombreux retards en raison des histoires d'expropriation qui n'ont pas encore été totalement résolues. En fait, l'Etat, qui a engagé des chantiers à travers tout le territoire national à coups de milliards de dollars, n'a pas pris la peine de réglementer la question primordiale des expropriations. Comment peut-on faire admettre à un propriétaire terrien qu'il doit accepter l'indemnisation fixée arbitrairement par l'Etat, sachant que, au marché noir, son prix est dix fois supérieur ? Si l'Etat n'est pas capable de combattre la spéculation, il n'a pas le droit de faire payer le prix, au nom de l'utilité publique, aux personnes dont le seul tort est de se retrouver dans un terrain décrété utilité publique. Que des gens habitant une maison, avec jardin, soient condamnés à accepter un F2 ou un F3 dans une cité-dortoir, cela relève de l'injustice. Dans la précipitation, les agents de l'Etat chargés de la besogne créent des drames, mais font les affaires des prédateurs, ceux-là mêmes que l'on retrouve dans toutes les opérations de recasement et autres expropriations. Des indus occupants arrivés à la dernière minute, et bénéficiant de complicités locales, parviennent toujours à avoir gain de cause, au grand dam des véritables victimes de l'utilité publique. En l'absence d'un texte de loi clair au sujet des expropriations et des indemnisations y afférentes, force est de constater que l'Etat fait du bricolage qui ne profite qu'aux affairistes. Souvent, dès qu'un grand projet est annoncé, les affairistes, bien au fait de tout ce qui bouge, édifient sur le site des bidonvilles, avec l'assurance d'en tirer les dividendes. L'Etat, devant ces pratiques, reste impuissant et privilégie la fuite en avant au règlement en profondeur du phénomène. A. B.