Il peut avoir des a priori sur des personnes sur la base de leurs déclarations et sorties médiatiques sur une période précise (la tragédie nationale algérienne) par ceux qui l'ont vécu de l'intérieur et ne savaient pas s'ils verront le soleil se lever le lendemain. C'est dans cet a priori que j'ai classé l'historien Benjamin Stora lors de ses analyses sur l'Etat algérien, l'islamisme aux portes de la République, l'Armée, l'arrêt du processus électoral. Il intervenait en tant qu'historien et les Algériens appréciaient en tant que citoyens. Le déclic s'est fait chez lui quand il a été rendu destinataire “d'un drôle de courrier dans ma boîte aux lettres : un petit cercueil en bois dans une grande enveloppe beige”. Son ouvrage, disponible en librairie, les Guerres sans fin : un historien, la France et l'Algérie, est à classer entre biographie, mémoires inachevées et nous éclaire sur son itinéraire. Issu d'une famille juive, pied-noir, parti en France à l'âge de 12 ans, il ne s'est senti réellement français qu'en mai 1968 avec Paris sous les pavés. Sa rencontre avec Charles-Robert Ageron, son directeur de recherche, le métamorphose et lui fait aimer l'Algérie jusqu'à en prendre la relève. Le coup de foudre qui lui a permis “ce transfert de perspectives politiques d'une rive à l'autre de la Méditerranée”, il l'a eu en 1975 (il avait 25 ans et doctorant avec une thèse sur Messali Hadj) avec la lecture du livre de Mohamed Harbi Aux origines du FLN. Véritable choc pour l'étudiant qui découvrait “la méthode de l'investigation historique” et qu'on “ne peut écrire de manière fade”. Tout au long de cet ouvrage, sorte de thérapie, l'auteur se découvre et montre son attachement à l'Algérie et à ses hommes. À travers chaque paragraphe, il y a de la sincérité et des éclaircissements plus que des justifications. Un livre à lire. A. Toudert Les Guerres sans fin : un historien, la France et l'Algérie, de Benjamin Stora, 181 pages, éditions Stock, Paris 2009, 1 500 DA.