Il est difficile de dire, en fait, s'il s'agit de polémiques ou plus simplement de clarifications nécessaires pour s'orienter, opérateurs économiques et décideurs officiels, vers des pistes économiques balisées une fois pour toutes. L'heure est aux arguments et aux contre-arguments, en attendant peut-être la véritable concertation entre le gouvernement, le patronat et le syndicat. La controverse, sinon le débat public par presse interposée, autour de la loi de finances complémentaire 2009 semble prendre de l'ampleur et de la hauteur, entraînant chaque fois plus d'arguments, plus d'éléments se voulant précis, dans le discours des uns et des autres. En l'occurrence, la mise en place de trois segments d'un débat qui prend progressivement forme – le citoyen, l'opérateur économique et l'institution étatique — et étale en même temps dans toutes leurs dimensions les préoccupations autant que les lacunes de l'économie algérienne à l'heure de la mondialisation et de la crise financière internationale. Une question primordiale apparaît aussi à la lumière de ce qui a, en fait, déclenché tout ce processus, c'est-à-dire à partir du moment où il a été mis fin brutalement au crédit à la consommation et où, sans crier gare, le crédit documentaire a été imposé comme seul moyen de paiement des importations. L'une est considérée comme une immixtion de l'Etat dans la gestion des banques, l'autre comme une mesure qui profite au fournisseur, en pénalisant l'entreprise qui doit décider d'une trésorerie conséquente. Et la question est de savoir si la loi de finances complémentaire 2009 va pouvoir remettre un peu les pendules à l'heure en recentrant petit à petit le débat sur l'essentiel, en commençant par examiner de près, comme le soulignait récemment un expert dans les colonnes de notre quotidien, “cette incapacité au fond à diversifier notre économie, alors qu'on semble avoir tout essayé”. À cet effet, il faut donc bien rappeler que la loi de finances 2009 est élaborée sur la base principalement d'un baril de pétrole à 37 dollars et des importations à hauteur de 34 milliards de dollars et, qu'en outre, un récent rapport du Fonds monétaire international met à nouveau en exergue la forte dépendance de l'Algérie des hydrocarbures qui représentent 98% des recettes et 50% du PIB. En clair, il s'agit pour l'économie nationale de ne plus rester tributaire des revenus pétroliers. Nombre d'observateurs relient, par conséquent, directement cette importante préoccupation à une sorte d'inquiétude qui se serait emparée des artisans de la loi de finances complémentaire 2009, et ce, au moment où la crise financière frappe de plein fouet des pans entiers de l'économie mondiale, faisant écrouler des géants de l'industrie mondiale et menaçant de fait le cours de matières premières vitales pour cette industrie, telles que les hydrocarbures qui figurent au tout premier rang. Si une telle inquiétude est estimée par ailleurs, tout compte fait, comme légitime, en revanche les économistes ajoutent que toutes les conditions macroéconomiques sont pourtant réunies pour sortir le pays de ce statu quo. “Le débat n'est pas fermé” Et l'on revient à la conclusion à laquelle sont arrivés des opérateurs privés algériens, qui se sont exprimés dans les journaux de la presse nationale dernièrement, à savoir asseoir une politique qui permettrait de donner du crédit aux entreprises et de les considérer comme étant de véritables moteurs de croissance ; ou précisément reposer la question véritable s'insérant dans un contexte macroéconomique, telle qu'elle a été posée par ces mêmes opérateurs qui indiquent qu'il faut maintenant clarifier définitivement les choses : comment structurer l'économie nationale sur des pistes claires et dont les objectifs doivent se mesurer à travers la production et la productivité nationale ? Le retour à un protectionnisme de la production nationale, largement souligné par le ministre des Finances dans une interview à l'APS, diffusée hier, devrait lever en partie le voile sur cette question de savoir quelles sont les pistes suivies officiellement. “Aujourd'hui, nous sommes en train de faire opérer à l'économie une transformation pour l'orienter vers un nouveau régime de croissance où la production nationale devra graduellement se substituer à l'offre externe”, a, en effet, déclaré M. Karim Djoudi à l'agence officielle, en ayant pris soin d'affirmer un peu avant, au cours de cet entretien, que “laisser l'économie évoluer sur son régime actuel sans mettre en avant le primat de la production ne peut qu'emballer les demandes de dépenses d'importation auxquelles il sera difficile de faire face à terme, faute d'une disponibilité des ressources nécessaires pour couvrir ces dépenses”. Quant au surendettement des ménages signalé par le ministre des Finances, et les risques qui en découlent, effectivement préjudiciables à plus d'un titre, cela ne résout pas pour autant et entièrement le problème de l'interdiction du crédit à la consommation, note-t-on dans les milieux d'affaires, car le citoyen se retrouve aujourd'hui devant une autre situation, celle de ne plus avoir le choix d'acheter, ou si peu, les produits qu'il veut. Quant au “patriotisme économique” annoncé, il semble pour l'instant quelque peu en contradiction avec l'ouverture économique avérée de l'économie algérienne, l'appel aux investisseurs, les accords passés avec l'UE, le libre-échange effectif avec les pays arabes et les négociations avec l'OMC. Avec les déclarations très officielles rendues publiques hier, le débat sur la loi de finances complémentaire 2009 est-il clos alors qu'il vient à peine de commencer ? Des analystes interrogés évaluent celui-ci à l'aune de l'avenir économique du pays, qui dépend également d'une concertation à tous les niveaux, pendant qu'un ambitieux programme de développement est en cours de réalisation. Des voix préconisent directement de poursuivre le débat, comme le signifiait le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, M. Tayeb Louh, dans un point de presse, alors qu'il était en visite mercredi à l'usine de la SNVI de Rouiba. “Le débat n'est pas fermé”, a-t-il dit, en donnant rendez-vous au patronat pour s'exprimer lors de la prochaine tripartite qui se tiendra avant la fin de l'année en cours. Peut-être bientôt, au rythme où vont les choses. ZOUBIR FERROUKHI