Hier à minuit a pris fin la campagne électorale pour l'élection présidentielle en Afghanistan, trois jours avant la tenue du scrutin qui aura lieu jeudi. Mettant aux prises une quarantaine de candidats dont le président sortant Hamid Karzaï qui fait figure de favori bien qu'il ne se soit quasiment pas investi, la campagne électorale aura été particulièrement pâle, sous haute surveillance et marquée par la recrudescence d'attentats meurtriers. Chassés des grands centres urbains et repoussés pendant longtemps dans les cinq provinces du Sud, les talibans qui veulent faire échouer le rendez-vous électoral redoublent d'audace et marquent des points en réussissant des attentats dans les villes, y compris à Kaboul où, samedi, un attentat suicide a fait des morts et plusieurs dizaines de blessés dans l'un des quartiers les plus sécurisés, devant le bâtiment du commandement de l'OTAN, alors qu'il ciblait vraisemblablement l'ambassade américaine toute proche. À Kandahar, la ville natale de Hamid Karzaï, un autre attentat, commis devant un bus de voyageurs, a décimé toute une famille en faisant 11 victimes. Malgré le nombre élevé de combattants talibans éliminés quotidiennement, les mois de juillet et août auront été particulièrement meurtriers pour les forces de l'OTAN engagées en Afghanistan ; avec une perte record de 93 hommes en quelque 45 jours, Américains et Britanniques ayant payé le plus lourd tribut. La grande offensive déclenchée il y a quelques semaines dans le sud du pays par les forces de l'OTAN n'a pas donné les résultats escomptés malgré le nombre de soldats engagés et le matériel impressionnant utilisé. Au contraire, elle a révélé que les talibans disposaient d'armements sophistiqués et développaient une capacité de résistance et de riposte inattendue. Elle a, en tout cas, confirmé l'inefficacité des armées classiques, aussi expérimentées et équipées soient-elles, face à une guérilla organisée et déterminée, connaissant les moindres recoins du terrain et bénéficiant de complicités parmi la population. Du point de vue strictement électoral, les rares sondages disponibles donnent une légère avance au président sortant face à un challenger surprise, l'ancien ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah. Toutes les projections lui donnent cependant une avance insuffisante pour éviter un second tour de scrutin. Pour les pays occidentaux dont des contingents sont engagés sur le terrain afghan, le résultat du scrutin importe moins que sa tenue dans des conditions acceptables, avec une participation honorable. L'incapacité des forces afghanes à sécuriser le scrutin et la volonté réaffirmée des talibans de le saboter font craindre le pire à ce sujet. Or, une grosse désaffection de l'électorat est tout à fait probable après les appels répétés des talibans à bouder les urnes et leurs menaces de s'attaquer aux centres de vote. A Kandahar, par exemple, des tracts ont été placardés dans les mosquées appelant la population à s'abstenir de voter car les lieux d'organisation du scrutin seront ciblés par des attaques. Dans les quatre autres provinces du sud un “courrier de nuit” a été distribué aux habitants, menaçant de couper le nez, les oreilles ainsi que les doigts tachés d'encre des votants. Les déclarations du numéro un du renseignement afghan selon lequel des négociations sont entreprises avec des chefs talibans pour qu'ils ne s'en prennent pas aux centres de vote, sans plus de précision, ne sont pas faites pour rassurer les électeurs. Fait aggravant, beaucoup d'entre eux déclarent ouvertement leur décision de ne pas voter. Non pas à cause des menaces des talibans, disent-ils, mais parce que le gouvernement est incompétent et corrompu. Sans compter qu'ils le soupçonnent de velléités de fraude électorale. Si le scrutin du 20 août venait à être compromis comme le souhaitent les talibans, ce ne serait pas seulement l'échec du gouvernement afghan, mais surtout celui de la coalition occidentale présente dans le pays depuis 2001. La polémique qui commence à monter en Grande- Bretagne et, à un degré moindre, aux Etats-Unis sur l'utilité de cette guerre et les chances de la gagner prendrait alors une dimension proprement ingérable.