Deux réalisateurs belges au service d'un peintre algérien, ce n'est pas très courant, il faut en convenir. C'est pourtant ce qu'il nous a été donné de constater lors d'une projection qui a eu lieu, le week-end dernier, à la maison de la culture Taos-Amrouche de Béjaïa, à l'initiative de la dynamique association Ciné Plus de Timezrit, en collaboration avec le “Café-ciné”. C'est l'histoire réelle d'une station de métro belge qui raconte ses amours avec un artiste peintre algérien installé en Belgique : Boubekeur Hamsi. Le documentaire réalisé par Yves Gervais et Stéphanie Meyer dure 40 minutes qu'on ne sent pas passer. Malgré une programmation-surprise, improvisée pour profiter du passage du peintre à Béjaïa, sa ville natale, le public était au rendez-vous et le débat qui a suivi la projection fort animé. La station Lemonnier du métro bruxellois a été entièrement décorée par Boubekeur Hamsi : une multitude de mains géantes incrustées de symboles berbères ont été peintes sur de grands panneaux de bois lesquels ont été collés et vissés sur le mur. Quelques années plus tard, il a fallu agrandir les quais de la station pour accueillir des rames plus longues et, à cette occasion, il fallait revoir tout le design de la station. Qu'adviendra-t-il des œuvres de Hamsi ? On va le rappeler, respect de l'artiste oblige, pour le faire participer à la nouvelle décoration de la station, décoration mieux intégrée à l'architecture, puisqu'il sera utilisé un système révolutionnaire, technologiquement parlant. Boubekeur réalise ses tableaux (toujours des mains) à l'encre de chine sur format A4 et ces tableaux seront reproduits — en bleu sur fond blanc cassé — à plus grande échelle par sérigraphie, sur tôle émaillée. Pour cela, il faudra faire appel à une usine allemande qui va travailler au millimètre près pour respecter la continuité parfaite des “mains” qui doivent parfois figurer sur deux plaques de tôle accolées l'une à l'autre. C'est toute cette aventure technico-artistique que raconte le documentaire dans une sobriété qui rend le relief de l'artiste, qui va assister à toutes les étapes de la réalisation. Hamsi est un digne représentant de “l'art naïf”, travaillant aussi bien sur toile que sur céramique à froid. En octobre 1992, il décroche le Prix international Art Naïf et l'association Afous (la main), qu'il fonde, reçoit le label “Action-phare pour la paix”, décerné par l'Unesco. En plus de la peinture, Boubekeur Hamsi fait de la musique et certains de ses morceaux ont servi à l'illustration sonore du documentaire. Il écrit et illustre également des livres de contes. Lors des débats, Hamsi nous révèle qu'il a fait une proposition pour décorer une station du Métro d'Alger ; une délégation devait se rendre à Bruxelles pour voir le travail accompli, mais la promesse n'a jamais été tenue. Il nous avouera également qu'il n'a jamais exposé en Algérie :“Ce seront les Belges qui vont m'inviter à exposer dans mon propre pays à l'occasion d'une Semaine de la culture belge que je vais initier.”