Marguerite Taos Amrouche, écrivaine et cantatrice de talent, nous revient cette semaine.L'association culturelle Fendjane Thaqafa a saisi l'occasion de l'anniversaire de sa naissance (4 mars 1913) pour organiser un café littéraire au restaurant Mastreo à Alger, autour de l'héritage de cet « être surgi des siècles », selon la forte formule de sa fille, Laurence Bourdil Amrouche. Et c'est Boudjemaâ Aziri, universitaire et membre du Haut commissariat à l'amazighité, qui a eu l'insigne honneur d'évoquer la vie, et surtout l'œuvre romanesque, de Taos Amrouche. L'exercice n'est point facile, tant Taos, sœur de l'intellectuel Jean El Mouhoub Amrouche, alternait ses registres d'expression et de création artistiques. Après un bref rappel de la vie de Taos, l'universitaire s'est attelé à analyser son œuvre romanesque. « Il existe un parallèle entre la vie de Taos, celle de sa famille et ses œuvres. Elle avait besoin de mettre en fiction sa vie et celle de sa famille. Ses héroïnes sont des femmes qui n'ont pas réussi à réaliser leurs aspirations. Elles ont été confrontées, chacune à son niveau, à des difficultés de la vie de l'époque », résume l'intervenant. De son vivant, Marguerite Taos Amrouche publia trois romans, foncièrement autobiographiques. Paru en 1947, Jacinthe noire narre le déracinement de Reine, venue dans un internat parisien, tenaillée entre le désir d'intégration et son refus de l'assimilation. Le second roman, Rue des Tambourins, publié en 1960, raconte l'enfance et l'adolescence de Kouka, issue d'une famille kabyle chrétienne, forcée à l'exil tunisien. Le troisième roman édité en 1966, Amant imaginaire, évoque l'histoire de Amena, l'héroïne en proie à la solitude et l'incompréhension de l'autre. Le dernier roman, Solitude, ma mère, publié à titre posthume en 1995, passe en revue les échecs amoureux d'une femme incapable de trouver l'harmonie de ses désirs. Des lignes de ses romans naît un chant envoûtant et indomptable. L'universitaire, en insistant sur l'esprit de tolérance véhiculé par l'œuvre romanesque de Taos Amrouche, s'est montré affligé par l'exclusion de Taos Amrouche et de sa famille de la reconnaissance officielle. « C'est une famille qui a vécu dans le déchirement, l'exil et l'incompréhension. Beaucoup de tort a été injustement occasionné à l'endroit de cette famille atypique de poètes et d'auteurs (Taos, Jean et Fadhma) en raison de leur appartenance religieuse. Pourtant, l'œuvre de Taos exprimait un amour intense pour son pays », souligne M. Aziri. Des intervenantes dans la salle ont vivement déploré l'attitude des pouvoirs publics, s'obstinant à ne pas reconnaître cette grande écrivaine. « Aucun hommage particulier n'a été organisé pour rappeler ce que fut Taos lors du dernier festival panafricain. Même la maison de culture de la wilaya de Béjaïa porte toujours le nom Amrouche officieusement », s'offusque une dame. On se souvient que le régime de Boumediène avait interdit à Amrouche, invitée d'honneur, de chanter lors de la première édition du festival panafricain organisé à Alger, en 1969. Une autre intervenante a souhaité la réédition des livres de Amrouche ainsi que de sa discographie sur le marché algérien. A ce jour, les manuels scolaires n'évoquent pas le legs de cette écrivaine. Zoubida Amirat, veuve du moudjahid Slimane Amirat auquel un hommage appuyé a été rendu, a appelé à l'enseignement de l'histoire « véridique » de l'Algérie.