La suprématie médiatique de la chorba ne change rien aux habitudes alimentaires des Oranais. Une hrira, sinon rien ! Y en a même qui trouveraient “sacrilège” l'intrusion de la moindre chriba sur leur meïda durant le Ramadhan,bien que la hrira gagne de nombreuses tables dans le reste du pays. Le terme hrira n'est qu'une appellation générique. Il y a hrira et hrira. Celle du pauvre à base de lentilles, roborative, qui est le repas en elle-même, et celle des cuisines citadines où les riches ingrédients s'associent pour donner un velouté apéritif servi en début de zerda. La spécialité est apparemment une soupe du fonds culinaire berbère qui a subi bien des influences au cours des âges. À l'origine, ce fut une soupe de lentilles et d'oignon cuit jusqu'à consistance fondante. De là, peut-être, la texture veloutée a donné le nom de harrira par évocation de la soie, harrir en arabe. Echanges frontaliers L'influence moyenne-orientale n'est pas à écartée, elle datait du temps de l'exil d'Idriss el Akbar, fondateur du royaume du Maroc. À son époque, on se délectait à Bagdad d'une soupe qui ressemblait à s'y méprendre à notre harrira. Cette dernière a également débarqué en Andalousie musulmane où elle a connu des métamorphoses avant de se répandre au Maghreb. Les Marocains en ont fait leur potage national. Par un rapide raccourci historique et culturel, on entend souvent dire que c'est là une spécialité dont le Maghreb el Aksa revendique seul la paternité. C'est faire fi du passé et d'un pan de l'histoire de l'Algérie et du royaume de Tlemcen qui rivalisa en splendeur avec Fès sa voisine. Un chercheur de l'université de Oujda ne nous dit-il pas que ces trésors culinaires furent transmis à l'Est du Royaume par le rayonnement culturel tlemcenien à l'âge d'or de la Perle du Maghreb.