Le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradeï, juge “exagérée” la menace nucléaire iranienne et affirme que rien ne laisse penser que le pays puisse se doter de l'arme nucléaire à court terme, dans une interview diffusée mardi. Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui quittera ses fonctions à la fin de l'année, répond aux critiques qui l'accusent de couvrir les ambitions nucléaires de l'Iran. “Je pense que la menace a été exagérée”, déclare M. El Baradeï, interviewé par le Bulletin of the Atomic Scientists, une publication américaine critique envers l'arme nucléaire. “Oui, les intentions de l'Iran sont un sujet de préoccupation et l'Iran doit être plus transparent avec l'AIEA et la communauté internationale”, dit-il. “Mais l'idée que demain, à notre réveil, l'Iran se sera doté de l'arme nucléaire est une idée qui ne résiste pas à l'épreuve des faits.” La semaine dernière, l'AIEA a annoncé dans un rapport que l'Iran avait ralenti sa production d'uranium faiblement enrichi et permis aux inspecteurs de l'Agence d'accéder au réacteur de recherche d'Arak, ce qu'ils réclamaient depuis longtemps. Les Etats-Unis ont minimisé la portée du rapport en rappelant que l'Iran ne coopérait toujours pas complètement avec les inspecteurs de l'AIEA. Le journal israélien Haaretz écrit, de son côté, que le rapport de l'AIEA ne comprend pas une annexe incriminant l'Iran. Israël critique de longue date le rôle de M. El Baradeï et avait demandé, en 2007, qu'il soit renvoyé. Mohamed El Baradeï, qui a gagné le prix Nobel de la paix en 2005 avec l'AIEA, a rejeté les critiques. “Sur l'Iran, on me dit : ‘Mêlez-vous de ce qui vous regarde, vous êtes un technicien'. Pourtant à d'autres moments, sur d'autres sujets, on me dit que je suis le gardien du traité de non-prolifération nucléaire, et parfois ce sont les mêmes que ceux qui me disent de me mêler de ce qui me regarde concernant l'Iran”, se défend-il. “Je ne suis ni un gardien ni un technicien ; j'essaie juste de faire mon travail”, insiste-t-il. M. El Baradeï dit, par ailleurs, espérer que l'Iran et les Etats-Unis entament un dialogue, comme l'a proposé le président américain Barack Obama, et que les discussions reprennent avec la Corée du Nord, qui a réalisé un second essai nucléaire en mai. À propos de la Corée du Nord, “à chaque fois qu'un dialogue était en cours, les choses étaient sur les bons rails. Et à chaque fois que le dialogue s'est arrêté, les choses ont mal tourné. Maintenant, deux essais nucléaires plus tard, nous n'avons pas d'autre choix que de parler aux Nord-Coréens (...)”, souligne M. El Baradeï. Pyongyang a claqué la porte des négociations à six pays en avril après la condamnation par le Conseil de sécurité de l'ONU d'un essai nucléaire et l'adoption de sanctions contre ses entreprises. Selon le chef de l'AIEA, les sanctions et le recours à la force ne devraient être qu'un ultime recours. Enfin, M. El Baradeï, qui a souvent fait part de son désaccord avec l'administration de l'ancien président américain George W. Bush, a renouvelé ses critiques concernant l'invasion de l'Irak en 2003. “Vous ne pouvez pas vous précipiter comme l'ont fait les Etats-Unis”, a-t-il dit. “Au total, un Irakien sur trois a vu sa vie pulvérisée par une guerre qui n'aurait jamais dû avoir lieu.”