Sempiternellement loué, le mode de sauvegarde jusque-là porté par les différents maîtres et autant de sociétés musicales à l'échelle nationale ne semble plus faire recette, tant la muse chère au regretté Abdelkrim Bestandji connaît un appauvrissement certain et des altérations à tout le moins lourdes de conséquences. Livré à lui-même, le mouvement associatif donne l'impression de se complaire dans une situation caractérisée le plus souvent par le volontarisme, le mimétisme et le seul désir de se produire, à l'occasion de soirées officielles où quelques fragments des siècles d'or de l'Andalousie sont outrageusement pervertis par d'écœurantes gloutonneries jouées le plus souvent en ut majeur. Les querelles byzantines entretenues jusque-là avaient, en effet, plus déifié la cacophonie que jeter les bases d'une réflexion salvatrice à même de faire en sorte que la musique chère à Cheikh Larbi Bensari ne soit plus la chasse gardée des amateurs de festifs et autres féodalités qui s'en servent plus comme un faire valoir, au service de leur promotion sociale personnelle, que comme un instrument au service de l'élévation du niveau artistique et esthétique du citoyen. Miracle citadin, serions-nous tentés d'écrire à l'issue des travaux de quelques colloques dédiés au devenir de la musique classique algérienne ! Une sorte d'insiraf qui contribue ça et là à faire émerger des chercheurs algériens avisés qui, tout en reconnaissant aux tenants de la tradition de nombreux mérites, pensent qu'il est temps d'opter pour un système de codification susceptible de contribuer valablement à immortaliser un patrimoine que la seule transmission orale n'est plus en mesure de préserver dans toute son intégralité. Et c'est possible, n'en déplaise à certains esprits chagrins plus enclins à chahuter la moindre initiative en l'absence d'une étude musicologique digne de ce nom! Bien loin des joutes oratoires axées le plus souvent sur des considérations subjectives et assurément navrés par quelques représentants du mouvement associatif peu habitués, il est vrai, à la réflexion, au débat contradictoire et à l'approche scientifique, ils sont de plus en plus nombreux à se réclamer de Mohammed Sfindja et à ne nourrir aucun complexe s'agissant de ce nœud gordien, du moins pour certains, que semble constituer la notation musicale. À penser surtout que la musique classique algérienne mérite de passer du stade de l'exotisme et de la curiosité musicologique à celui de la critique musicale. Ils sont nombreux à soutenir aussi que le travail d'un appareil idéologique d'Etat doit favoriser la création d'un espace permettant d'échanger le savoir, de procéder à des analyses, un véritable environnement de collaboration qui mette en avant et recommande la mise en place de nouveaux modèles et de nouvelles stratégies et, surtout, qui encourage l'expression de valeurs et d'identités face aux tendances agressives qui mercantilisent et privatisent la culture. C'est pour cela que l'identité et la diversité culturelles ne doivent pas être comprises comme un simple objet à valeur singulière, servant à la programmation, production et divulgation d'actions culturelles. Bien au contraire, cette diversité doit être envisagée comme la base indispensable de la construction et de la consolidation de structures sociales engagées. A. M.