Malgré les dénégations et promesses du président français, les vieilles habitudes de la Françafrique sont tenaces. En arrivant à l'Elysée, Sarkozy avait pourtant promis de mettre fin à ces relations quasi incestueuses, il avait promis de redéfinir les accords de défense conclus entre Paris et ses anciennes colonies, dont des clauses secrètes autorisaient les forces armées françaises à se porter au secours des régimes en cas de crise grave. La France, estime le président français, ne doit plus se comporter en “gendarme de l'Afrique”. Chassez le naturel, il revient au galop, les accords ont été renégociés, notamment au Togo et au Cameroun, mais la France se donne toujours le droit d'y intervenir ! Sarkozy promet toujours de fermer ses bases africaines, invoquant l'ouverture récente de sa base à Abu Dhabi, aux Emirats arabes unis. Cependant, Paris ne lâche pas pour autant l'Afrique : à terme, la France devrait maintenir trois bases militaires permanentes, une dans l'Ouest, une dans le centre, l'autre dans l'Est. C'est ce que l'on appelle garder en tenailles le continent d'avenir. Outre le consulat de Port-Gentil, les installations de Total et de Schlumberger ont également été prises à partie. Ce n'est pas la première fois que les forces armées françaises interviennent dans la deuxième ville du pays et le fief de l'opposition : en 1990, de violentes émeutes avaient ébranlé le pouvoir d'Omar Bongo, c'est le socialiste Mitterrand qui avait alors ordonné aux soldats français de rétablir l'ordre… Les manifestants accusent aujourd'hui la France d'avoir imposé le fils de l'ancien président Omar Bongo pour préserver la Françafrique qui a pris eau partout ailleurs. Le Gabon a, en effet, toujours été le meilleur allié de la France sur le continent africain et, de tous les présidents de la région, Omar Bongo fut celui qui entretint durant 41 ans les liens les plus intimes avec les cercles du pouvoir français. “L'Afrique sans la France, c'est la voiture sans le chauffeur. La France sans l'Afrique, c'est une voiture sans carburant”, avait coutume de dire le père d'Ali qui, pour la petite histoire, se faisait soigner au Val-de-Grâce lorsque son père agonisait en Espagne. Omar Bongo, rattrapé sur le tard par la mise à sac de son pays, a préféré éviter la capitale de son cœur où un juge avait ouvert son dossier ainsi que celui de trois de ses pairs africains. Il a fallu tout le poids de l'Elysée pour remettre l'affaire sous le coude. Que se passera-t-il au Gabon si la situation dégénère vraiment et que le président officiellement élu, Ali Bongo, demandait l'aide des militaires français ? La crise, en réalité, était perceptible au Gabon depuis le jour du scrutin, les bulletins à peine déposés dans l'urne, le 30 août, la suspicion est déjà au bord des lèvres et l'épilogue électoral s'esquisse jeudi, sous des traits devenus familiers dans l'Afrique de 2009 : Ali Bongo est proclamé successeur de Omar Bongo comme le Congolais démocratique Kabila fils succéda à Kabila père, comme le Togolais Gnassingbé fils succéda à Gnassingbé père, comme les fils Wade, Moubarak ou Kadhafi espèrent succéder à leur paternel respectif. Et il en sera ainsi tant qu'en Afrique, le pouvoir est synonyme d'accès aux richesses.