Le président français Jacques Chirac a réuni, hier, une quinzaine de ministres pour assurer le suivi de la coopération entre la France et l'Algérie comme il s'y était engagé au lendemain de sa visite d'Etat début mars. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a également participé à cette réunion qui a duré environ 45 minutes à l'issue du Conseil des ministres. Cette “réunion de ministres” était destinée “à faire le suivi de sa visite d'Etat et à fixer la feuille de route des ministres”, selon l'Elysée. Il a instruit ses ministres pour mettre en chantier les projets initiés lors de sa visite en Algérie. En effet, lors du Conseil des ministres du 5 mars, qui avait immédiatement suivi son séjour en Algérie, le chef d'Etat français avait demandé “à chacun des membres du gouvernement de faire le point sur l'état de ses échanges et de ses actions de coopération avec l'Algérie”. Il avait promis qu'il présiderait avant l'été une réunion sur ce sujet. Le président français a tenu ainsi à honorer ses engagements. La question qui se pose est de savoir si cet intérêt particulier de la France pour l'Algérie sera suivi d'initiatives concrètes. Les Algériens avaient souhaité que la visite de M. Chirac ne reste pas sans lendemain et aboutisse à des résultats tangibles. Il s'agissait en particulier du renforcement de la coopération politique, avec des échanges ministériels, de la réouverture de consulats et de centres culturels français, de la création d'un Haut conseil franco-algérien universitaire et de recherche et d'une Ecole supérieure des affaires. Les deux pays s'étaient aussi engagés à développer leur coopération dans les domaines des transports, de l'eau et de l'énergie. Pour l'heure, la seule mesure effective et digne d'être relevée concerne la reprise, le 28 juin, des vols de la compagnie aérienne Air France vers Alger pour la première fois depuis huit ans. Pour autant qu'on puisse attribuer cette reprise à une décision d'Etat, dès lors que l'argument avancé jusque-là par les responsables français est que Air France est autonome dans ses décisions. Pour le reste, les deux pays se limitent à des promesses et les choses sérieuses tardent à venir, même si Jacques Chirac, qui a fait de l'effacement de la dette des pays pauvres et des pays du tiers-monde son credo, s'est engagé à faire du lobbying auprès de l'Europe au profit de l'Algérie. Le président français tente, dans le cadre de sa politique maghrébine, d'obtenir pour l'Algérie le même traitement que celui appliqué au Maroc par l'Union européenne. Du point de vue stratégique, la France voit d'un mauvais œil le rapprochement entre l'Algérie et l'Otan et souhaiterait que l'Algérie s'intègre à la vision de défense européenne dans l'ensemble euro-méditerranéen. Cette question sera sans doute au menu de la prochaine visite de la ministre de la Défense française, Michelle Alliot-Marie, prévue en septembre. Ce séjour inscrit dans la feuille de route de M. Chirac pour l'Algérie fait suite à ceux du ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, et du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy. Il reste à savoir la part de soutien politique à Bouteflika et d'encouragement à un second mandat contenue dans la feuille de route de Chirac. Rien de spectaculaire n'est venu révéler quelque engagement particulier envers Bouteflika. Rien n'est donc sûr, de ce point de vue. Ce dernier aura encore une autre occasion de revenir à la charge pour solliciter l'appui de M. Chirac dans la mesure où le Président algérien effectuera une visite de travail dans l'Hexagone en novembre ou en décembre prochains, probablement à l'occasion de la clôture de l'Année de l'Algérie en France. Jusque-là, les Français se sont toujours défendus de vouloir apporter leur caution à un quelconque candidat, encore moins à Bouteflika, arguant que la France “travaille avec les Etats, pas avec les hommes”. On croit savoir, au demeurant, que la droite au pouvoir ne serait point favorable à un second mandat de Bouteflika qui constituerait pour elle “le scénario catastrophe”, à en croire des confidences de Jean-Pierre Raffarin lui-même. Un conseiller de Chirac enfonce davantage le clou, en faisant cette autre confidence qui renseigne sur le sentiment partagé à l'Elysée à l'égard de Bouteflika : “Il a failli à toutes ses missions.” Le Quai d'Orsay n'en pense pas moins. “Nous ne ferons pas de projection dans la durée avec M. Bouteflika”, aurait affirmé un des proches collaborateurs de M. de Villepin. Aux sollicitations et gesticulations de l'un semblent répondre les formalités convenues et les hésitations de l'autre. R. B.