L'agriculture n'arrive pas à sortir de sa léthargie, en dépit des sommes colossales injectées et des réformes qui ont touché le secteur. Les Algériens, à commencer par les agriculteurs eux-mêmes, sont unanimes à affirmer que le secteur agricole a lamentablement échoué. Déjà malmené par une “révolution agraire” qui avait “fonctionnarisé” les fellahs, le secteur a été la proie des prédateurs du foncier. Des villes entières ont été édifiées sur des terres agricoles. L'Etat y a grandement contribué. Le morcellement des terres agricoles, leur envahissement par le béton ont fait que des plaines entières, comme la Mitidja, font partie des souvenirs. Alors que les promesses d'une agriculture saharienne alternative ont fini par être enterrées, le Plan national de développement de l'agriculture (PNDA, transformé en PNDRA), lancé en grande pompe en 2000, aura été un gouffre financier qui se termine, présentement, par un autre gouffre financier qu'est l'effacement de la dette des agriculteurs. Entre 2000 et 2009, les résultats obtenus restent très en deçà des attentes. Voilà un pays, qui était considéré comme “le grenier de l'Europe”, qui a du mal à assurer ses besoins les plus élémentaires. Que des cultures maraîchères soient disponibles en abondance, cela ne cache pas les crises cycliques, voire annuelles de la pomme de terre. Les viandes (rouge et blanche), malgré tous les efforts consentis par l'Etat, restent toujours dépendantes d'un marché aux mains des intermédiaires, obligeant souvent l'Etat à recourir à l'importation. La production laitière a du mal à couvrir une partie des besoins de la population, malgré le soutien étatique pour l'importation des vaches. Même si le taux de croissance du secteur atteint les 6,5% durant les dernières années, il n'en demeure pas moins que la tendance à l'importation massive des produits alimentaires a fait que la production locale s'en trouve grandement affectée. La facture alimentaire n'a cessé d'augmenter ces dernières années, profitant des lignes de crédit ouverts à tous vents, pour l'importation de bananes, de kiwis et autres produits fortement disponibles sur le marché algérien, comme les oranges ou les pastèques. L'industrie agroalimentaire, devant booster la production agricole et lui offrir des débouchés sûrs, n'a pas, elle aussi, encore trouvé ses marques et les problèmes dont souffrent les transformateurs de tomate industrielle illustrent bien la difficulté d'opérer dans ce secteur. Quoi qu'en disent les responsables du secteur, la production céréalière reste dépendante de la pluviométrie et tous les efforts en vue de garantir des graines et des engrais adaptés aux réalités algériennes n'ont pas donné des résultats probants ; on continue à importer les graines que les exportateurs de céréales voudraient bien nous fourguer, sachant que l'on serait toujours dépendants d'eux. Les besoins algériens en blé, par exemple, estimés à plus de 7 millions de tonnes par an, ne sont même pas couverts à moitié, puisque la production nationale ne dépasse pas les 2,5 millions de tonnes par an. La maîtrise des techniques modernes de production, devant permettre à l'agriculture de produire plus et à moindres frais, a fait grandement défaut aux agriculteurs algériens qui continuent à bricoler, à souffrir du manque d'engrais, de la qualité des semences disponibles, des difficultés liées à l'irrigation de leurs terres et souvent à la commercialisation de leurs produits. En fait, le circuit de distribution échappe totalement aussi bien à l'Etat qu'aux agriculteurs, souvent montrés du doigt lors des flambées des prix. La disparition des Enafla et autres Enafroid a laissé un vide que des intermédiaires, de tous bords, ont pris d'assaut pour dicter leurs lois aux marchés, créant des pénuries, fixant les prix et risquant de paralyser tout un pays. La dernière décision d'effacer les dettes des agriculteurs, au-delà des considérations électoralistes, constitue une sorte de fuite en avant, un aveu d'échec de la part de l'Etat qui n'a pas réussi à sauvegarder les terres agricoles de l'avancée du béton, qui a échoué à faire passer l'agriculture “fonctionnarisée” à un stade de professionnalisme. Un aveu d'échec, enfin, dans la mesure où la facture alimentaire ne cesse d'augmenter, au moment où l'agriculture nationale se débat dans d'inextricables problèmes.