L'effacement de la dette des agriculteurs, dont le montant annoncé est de 41 milliards de dinars, a provoqué des remous dans ce milieu professionnel. L'Union des agriculteurs algériens libres, qui a animé une conférence de presse hier à la Maison de la presse Tahar Djaout, à Alger, demande à ce que cette mesure de « grâce » bénéficie surtout aux « fellahs faibles ». Ces derniers, selon le porte- parole de l'organisation, Salah Gaïd, continuent à « être harcelés par les banques qui leur envoient encore des mises en demeure les sommant de payer les crédits contractés, en dépit de la décision du chef de l'Etat ». A défaut, « il sera procédé à la saisie de leurs biens hypothéqués ». Les procédures ont été déjà entamées, souligne le conférencier, qui indique que 450 agriculteurs sont touchés par ces problèmes dans la wilaya de Tizi Ouzou, sans citer ceux qui vivent dans la même situation à Aïn Témouchent, Tipaza, Tébessa et dans d'autres wilayas du pays. Salah Gaïd a adressé des critiques acerbes à ceux qui veulent installer des commissions pour étudier les dossiers des agriculteurs qui doivent ouvrir droit à la « grâce » présidentielle. « Nous ne voulons pas d'intermédiaires, c'est aux banques, aux ministères et au Trésor, qui sont concernés par cette opération, que revient la prise en charge des dossiers, pas aux opportunistes », lancera le conférencier pour qui les problèmes se posant aujourd'hui au secteur dépassent de loin le ministre. A une question concernant la carte de fellah distribuée à tort et à travers, le porte-parole de l'Union des agriculteurs algériens libres affirme que « les opportunistes sont comme l'air qu'on respire, ils sont partout ». Soutenant que « les aides de l'Etat arrivent rarement aux vrais agriculteurs, car souvent détournées par un groupe de gens », Salah Gaïd souligne que « ce n'est pas de cette manière que l'agriculture évoluera dans notre pays ». « Vous vous rendez compte, l'ONCV qui a signé des contrats en bonne et due forme avec des agriculteurs de Aïn Témouchent, qui ont repris les exploitations des vignobles et y ont mis tout leur argent, refuse à présent de leur acheter la production. C'est un véritable gâchis », tonnera le conférencier avant de préciser que les producteurs de tomate à Tipaza ont connu le même problème. « Comment voulez- vous que les fellahs puissent rembourser leur crédit, payer la Casnos ou les impôts ? », s'interroge Salah Gaïd, qui émet le souhait que « l'effacement des dettes décidé par le chef de l'Etat fera sortir définitivement les agriculteurs de cette situation qui a mené même à la dislocation de familles entières ». A propos de l'argent du Plan national de développement agricole (PNDA), le porte-parole de l'organisation dira que beaucoup d'agriculteurs indélicats sont en prison pour avoir détourné les aides. « Certains, selon lui, ont été jusqu'à planter des bâtons, d'autres ont creusé des forages et les ont remplis d'eau pour échapper au contrôle », dira-t-il avant de lâcher : « Le passé c'est le passé. » Concernant la cherté des produits agricoles, Salah Gaïd soutient que « le contrôle de l'Etat pour éviter la spéculation n'existe pas et les seules victimes de cette situation, évidemment, sont les producteurs et les consommateurs ». Il donnera l'exemple de l'orange de meilleure qualité qui est cédée par l'agriculteur à 20 ou 30 DA le kilo, les intermédiaires et les spéculateurs font qu'elle se vende sur le marché de détail à 90 DA ou plus. De même pour la patate. Le conférencier qui soutient qu'une seule personne, le ministre du secteur, ne peut résoudre à lui seul tous ces problèmes, milite pour « la mise en place d'un office composé d'experts qui prendra en charge la question de la sécurité alimentaire du pays ».