Il est connu que le Coran d'inspiration médinoise est surtout basé sur la technique de l'appel à l'endroit des croyants “Ô vous qui avez cru !” ou du prophète “Ô toi, Prophète !”, ainsi que de l'exemple ou de l'interrogation, suivie de la réponse. Il n'y a pas une sourate médinoise qui ne contienne dans ses versets, au moins un appel dans ce sens, suivi d'un ou de plusieurs exemples. S'agissant à titre illustratif des appels à l'endroit des croyants, les exégètes ont dénombré quatre-vingt-huit appels, répartis sur la plupart des sourates médinoises. Ils sont autant de repères qui permettent sinon d'encadrer la sourate en entier, du moins de contribuer à la structurer logiquement dans une grande partie. Grâce à ces appels, on peut justement encadrer huit sourates qui débutent par un appel, notamment par “Ô vous qui avez cru !” ou “Ô toi, Prophète !” Ces sourates, qui sont aussi bien assez courtes, moyennes que longues, sont : Les Femmes , La Table , Le Pèlerinage , Les Coalisés , Les Appartements, L'Eprouvée , Le Divorce et L'Interdiction. À elles seules, ces sourates forment une dizaine de hizb, soit le 1/6 du Coran. L'appel constitue ainsi un moyen principal d'apprentissage, de rappel, de communication tout simplement extraordinaire, en permettant de servir à une structuration du texte coranique aussi bien dans la langue d'origine que dans les langues de traduction et d'interprétation, comme nous allons le montrer dans l'exemple de la sourate Les appartements. Souvent, il est couplé à un autre moyen de communication, l'exemple qui aide à mettre sur place une structure logique du texte. Ainsi, l'apprentissage du Coran n'est plus une affaire d'apprentissage par cœur, mais surtout d'analyse, d'intelligence et de classification logique. L'apprentissage moderne doit s'acheminer obligatoirement dans cette direction, si on veut redonner au Coran la place et la splendeur qui sont les siennes. Un cas concret de sourate traitée Il s'agit de la sourate El Houdjourate qui grâce à l'appel et à l'exemple peut-être structurée à la perfection. Comme son nom l'indique, elle est d'une architecture modèle. Sourate El Houdjourate est en effet structurée en deux parties : 1. Première partie : six appels. Elle renferme six appels qui jettent les principes de base de la vie dans une cité musulmane. À remarquer que les appels en tant que technique principale communicative sont suivis par des ordres et des affirmations en tant que technique secondaire permettant d'encadrer le texte coranique à la perfection. On a : - les deux premiers lancés à l'endroit des croyants jettent le fondement de la religion, se rapportent respectivement au respect de la religion, (V. 01) et celui du Prophète (02-05). - Les troisième, quatrième et cinquième également s'adressant aux croyants définissent les bases des relations entre les croyants, traitent de la crédibilité de l'information (06-08) et la nécessité de réparer le tort en cas de désinformation aux conséquences graves (09-10), le respect des gens entre eux et des femmes entre elles (11) et l'interdiction des soupçons et des médisances (12). - Le sixième qui, lui, s'adresse aux gens en général, concerne la relation en cas de paix, entre les croyants et les autres peuples sur la base du respect de la personne humaine, sans distinction de race, de sexe et de religion. (13). 2. La deuxième partie : Elle obéit à une autre logique communicative puisqu'elle traite d'un cas à éviter en deux dires de la part des gens “a'arabs”, qui signifie bédouins incultes, à ne pas confondre avec arabes, et qui voulaient imposer leurs comportements et influer sur le Prophète (Prière et Salut soient sur lui), suivis chaque fois de la réponse pour repousser leur prétention et les corriger. Le Coran en tant que lettre et message divin renferme donc en lui ses propres moyens de communication comme le montre la mise en exergue du schéma directeur dans cette sourate. C'est un domaine qui a toujours intéressé les chercheurs. Le célèbre islamologue français, Jacques Berque, avait prédit dans son commentaire sur le Coran que la recherche coranique devrait s'acheminer vers une analyse logique du texte révélé. Avant lui, le père de la méthodologie moderne en Islam, Malek Bennabi avait écrit Le Phénomène coranique pour appeler à une relecture du texte coranique et sortir des cercles des encyclopédies chères aux exégètes orientaux, difficiles à approcher qui au lieu de faciliter l'accès au texte coranique, ont un effet inverse en éloignant le lecteur et notamment le profane. On est encore loin de cette espérance légitime qui ouvrira un champ inouï à l'apprentissage, la compréhension, le rappel et la communication du texte sacré. Signe des temps, le père des exégètes, Attabari, que Dieu l'agrée, a dit : “Je m'étonne de ceux qui apprennent le Coran par cœur, mais qui ne le comprennent pas.” Certes, nous assistons avec plaisir à une floraison de récitants qui apprennent le Coran par cœur avec des psalmodies remarquables. Mais, on est loin de cet objectif, surtout lorsqu'on voit nos enfants dans les écoles peiner pour apprendre le Coran avec des pédagogies dépassées. C'est pour dire que les foursène el qoraâne de demain seront nécessairement ceux de la méthode et à l'intelligence ou ne le seront pas.