Dans cette contribution, l'ancien directeur général de l'Unique évoque les absurdités statutaires et fonctionnelles de cette chaîne. Il estime que l'ouverture d'un débat sur un audiovisuel public et privé national relève à la fois de l'urgence et de la construction démocratique. Il faut être sérieux et passer à l'âge adulte pour enfin sortir du bricolage, installer un puissant secteur public de l'audiovisuel en Algérie qui est dépassé avec la concurrence extérieure qui a conquis l'opinion algérienne, à commencer par celle de nos voisins immédiats. Le discours tenu, repris par des confrères, jeunes et peu informés, consiste à chanter que le pays a 5 chaînes de TV. C'est totalement faux à tous les niveaux ! La chaîne unique est la terrestre qui est un Epic depuis belle lurette. Elle a un cahier des charges, censé être obligatoire, un conseil d'administration, censé se réunir, délibérer et prendre des résolutions. C'est la loi. Dans la réalité, ce que voient les téléspectateurs et ce qui se passe, c'est surréaliste. 1 - Une société de programmes (publique) ne peut pas créer d'autres sociétés de programmes. C'est ainsi depuis que la TV a été inventée. Ici, sans aucune précaution, on assène que la chaîne terrestre a “créé” d'autres chaînes sous l'autorité du DG de la terrestre. Les personnes ne sont pas en cause et elles savent que ce que je dis est vrai, que les programmes sont clonés puisque la matrice, les finances, les voitures, l'encadrement, les équipements sont la propriété de l'Unique. Les 4 autres programmes, leurs grilles, leurs horaires, tout dépend du seul DG de la terrestre, prisonnier d'un statu quo. 2 - Rien n'interdit à l'Etat de créer 2, 8 ou 10 sociétés de programmes dans le respect des normes et procédures en vigueur dans le monde. Une société a un acte de naissance juridique (décret présidentiel, loi votée au Parlement). Où peut-on trouver le texte juridique, donc légal qui a donné naissance à Canal Algérie, la chaîne du Coran, l'Amazigh et l'A3 ? Nulle part. Pourquoi l'Etat ne fait-il pas dans la légalité ? Parce qu'il improvise devant le rouleau compresseur des TV satellitaires qui sont “nationales” parce que le citoyen volontairement met de l'argent pour les faire rentrer chez lui et par la couverture qu'elles assurent sur le sol algérien. En matière de TV, le statut juridique compte peu mais à l'extérieur et à l'intérieur, c'est le contenu et l'audience qui importent. C'est pour cela qu'on mesure les audiences sans passer trop de temps sur le statut juridique privé/public. 3- Avec une seule matrice, un statut juridique/public doublé de la connotation “gouvernementale”, l'ENTV ne peut ni résister à la concurrence dite “étrangère” ni garder un large auditoire et encore moins faire rayonner une culture, une diplomatie, une civilisation à l'extérieur. De plus, c'est pratiquement la seule, sinon des plus rares TV publiques à ne pas être sur satellite en direction du reste du monde. C'est tant mieux car les gens ici et ailleurs regardent et comparent les programmes, la liberté de ton, le pluralisme dans les métiers lourds, les audaces etc. Instituer des avertissements du genre “interdit aux moins de 10-12 ans” et plus responsabiliserait les parents, supprimerait les censures, développerait la créativité. Aujourd'hui, tous les programmes fédèrent de 6 à 96 ans. C'est aberrant, il y a des tranches d'âge, des niveaux socioculturels, des goûts différents… Mais avec une seule chaîne qui décline des programmes, sans vraie concurrence publique et privée, cela revient à tourner en rond, à formater, à conforter les concurrences dans la région et dans le monde sans réel impact politique, culturel ou sociétal. Le gagnant, c'est le foot uniquement. 4- Nous entendons régulièrement dire que la TV est une institution de l'Etat. C'est faux et absurde ! Cela confine le média dans l'austère, l'officiel, le guindé où défilent à longueur d'année des images de gens assis, graves et sérieux, sans vie. On dirait des robots qui ne peuvent éclater de rire, avoir la cravate de travers ou faire un lapsus (rattrapé au montage). Lorsqu'un responsable est déshumanisé par le média, il s'éloigne des gens qui ne lui font plus confiance. La TV n'est pas une institution. C'est un Epic. Les institutions sont répertoriées avec précision dans la Constitution. Les médias lourds n'en font pas partie, et c'est heureux. 5- Le monde des médias évolue à une vitesse sans précédent et l'Algérie a accumulé des retards considérables. Ouvrir rapidement un débat sur un audiovisuel public et privé national relève de l'urgence et de la construction démocratique. On tente ici et là de faire diversion, en essayant de tromper les décideurs, avec la TNT. Celle-ci veut simplement dire une offre consistante (des dizaines de TV, des radios en très grand nombre privées et publiques), des équipements nouveaux et coûteux d'abord au niveau des ménages. Les groupes de pression de l'équipement veulent acheter sans se soucier des contenus : des milliers d'heures dans tous les genres pour alimenter une offre nationale TV et radio qui justifierait des dépenses pour le tout-numérique terrestre. Où est ce contenu ? Où sont les dizaines de PME/PMI qui vont produire une telle quantité à travers une production/diffusion et une réception numérique ? Il serait judicieux d'avancer par étape. Le numérique à tous les niveaux (production-équipement-diffusion-réception) est une phase ultime, mais pas avec une, deux, cinq chaînes réelles uniquement.