Le documentaire Ça tourne à Alger a été projeté, mardi soir, à la librairie Algérie News, dans le cadre du cycle les Mille et une News. Le docu est un témoignage sur le parcours des réalisateurs algériens durant la décennie noire (de 1992 à 2004) où quatre réalisateurs, Malik Lakhdar Hamina, Belkacem Hadjadj, Yamina et Mohamed Chouikh, ont fait des films malgré l'insécurité. En fait, ils ont continué malgré tout à faire des films et achever leurs œuvres, afin que celles-ci témoignent de leur époque et de leur résistance. “En fait, la décennie noire a complètement coupé l'Algérie en 10 ans, ce qui a complètement détruit toute les valeurs culturelles et identitaires de l'Algérie, notamment celle du 7e art”, explique Salim Aggar. D'une durée de 54 minutes, Ça tourne à Alger a été réalisé et produit par Salim Aggar, qui a également reçu le soutien et l'aide financière de la Télévision algérienne. Avec un souci artistique très remarqué, Salim Aggar a emprunté l'atypique voix de l'animateur de radio Youcef Sayah ; quant à la musique, elle a été signée Safy Boutella. Le tournage a duré 6 ans et le montage a pris plus de 6 mois. Le réalisateur explique que c'était un travail de longue haleine, car il tenait à ce que chaque détail soit ajusté pour offrir “un produit de qualité” au public et au cinéma algériens. Le premier hommage a été rendu à Malik Lakhdar Hamina, fils du grand Mohamed Lakhdar Hamina, palme d'or 1975 à Cannes pour son mythique Chroniques des années de braise. Le fils a produit et réalisé un film intitulé Automne… Un octobre à Alger, mais le premier long métrage de ce jeune réalisateur est toujours interdit en Algérie. Nous avons également appris que le film a été tourné en secret et dans des conditions politiques particulièrement complexes, marquées essentiellement par des manifestations d'islamistes et d'un état d'urgence permanent. Le second film auquel s'est intéressé Salim Aggar est Machahou, coréalisé par Belkacem Hadjadj et Azzedine Meddour. C'est une Algérie plurielle qui se cherche qui a été filmée dans ce film, car dans un contexte où le cinéma se décomposait, les deux hommes relevaient le défi de réaliser un long métrage Machahou : un conte berbère que racontaient les grands-mères à leurs petits-enfants et qui explique et explicite le rapport complexe de la tradition à la modernité. Le troisième film sur lequel Salim Aggar a choisi de mettre un coup de projecteur est le long métrage Rachida, de Yamina Bachir Chouikh : une réalisatrice qui n'a pas froid aux yeux et qui a fait un film dans un contexte où certains fuyaient et d'autres se faisaient assassiner. Par ailleurs, avec Ça tourne à Alger, Salim Aggar a voulu faire d'une pierre deux coups, puisque d'une part, il rend hommage à des personnes qui ont donné et risqué leur vie pour que vive et/ou renaisse le cinéma algérien. En effet, malgré le chaos dans lequel avait sombré l'Algérie, des hommes et des femmes ont résisté à tout, en affrontant la mort chaque jour… en restant debout. L'autre motivation du réalisateur a été de montrer au monde entier qu'il existe un cinéma algérien et que le monde doit regarder vers nous, s'intéresser à nous et découvrir notre art. Salim Aggar a tenu également à rendre hommage à plusieurs figures de proue de la culture algérienne, lâchement assassinées. Une grande émotion s'est emparée de l'assistance qui a renoué avec un passé douloureux, car le film a réveillé des blessures pas encore cicatrisées.