Jeannine Verdès-Leroux publie un dictionnaire, L'Algérie et la France, qui veut s'arrêter sur des pages inexplorées de l'histoire entre l'Algérie et la France. L'auteure veut porter un regard différent, autre que celui des “intégristes de l'anticolonialisme” qui auraient imposé leur vue dans les écoles et parmi les enseignants. L'Algérie et la France donne donc naissance à des entrées diverses et variées sur l'enseignement en Algérie, les lycées célèbres, les contes et légendes d'Algérie, les fêtes catholiques et juives, l'eau potable, les maladies infectieuses, la dermatologie, les chemins de fer, les frères Goncourt et l'Algérie, les massacres du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma, les disparus (1962). On trouve de tout, une entrée est même accordée à la célèbre boisson gazeuse Orangina qui a vu le jour à Boufarik en 1936. De même des références sur le passé antique et médiéval de l'Algérie, avec des notices sur la régence turque (1520-1830), ou encore sur Kahina, figure de la résistance berbère au VIIe siècle. On s'attarde moins, dans cet ouvrage, sur la guerre d'Algérie, il n'y a pas de notices sur le sujet ou sur ses acteurs : Houari Boumediene, Krim Belkacem, Mohammed Boudiaf sont regroupés dans une unique entrée, Front de libération nationale. Place est faite à d'illustres inconnus qui ont en quelque sorte fait l'Algérie française de tous les jours. Des pages moins douloureuses donc, des portraits de médecins, d'écrivains, d'artistes, pour la plupart des Français, permettant de raconter, sans doute, l'histoire autrement. Il semble que le but de cet ouvrage soit de libérer une histoire otage de certaines thématiques et d'aborder sous un autre angle une période sujette à passions. Cent soixante auteurs parmi lesquels des historiens, des médecins, des juristes, des mathématiciens, etc. s'y sont attelés. On dresse aussi le portrait de villes, comme Constantine, Cherchell ou Oran. Celui d'Alger en 1830 est décevant, car il ne permet pas de se faire une idée de la ville à cette date clé de son destin et le récit de la capitale, en 1962, où se dessinent sous nos yeux les avenues en bleu et blanc, est plus captivant. Certains seront peut-être las d'entendre que les Français auraient mis le pied sur une terre archaïque et figée et qu'ils ont apporté certaines choses à l'Algérie, choses destinées en premier lieu aux Européens. Verdès-Leroux cite l'historien Fernand Braudel qui déclare que l'apport des colonisateurs a été important avec les arguments habituels (que reprennent ceux qui défendent le rôle positif de la colonisation), l'enseignement, l'hygiène, la médecine, les installations matérielles (ports, routes, chemins de fer). L'ouvrage donne une vision de l'histoire ethnocentrée, mais qui a le mérite de s'arrêter sur des thèmes inhabituels et qui est intéressant d'un point de vue historique et historiographique. L'Algérie et la France, de Jeannine Verdès-Leroux, dictionnaire, 901 pages, éditions Robert-Laffont, France, Juillet 2009.