Pour cette rentrée, plusieurs ouvrages promis à une belle carrière, et peut-être à des prix, ramènent l'Algérie au centre de la production littéraire. La période de la présence coloniale française, 47 ans après l'indépendance, revient à l'ordre du jour, sans ressentiment, sous la plume d'auteurs talentueux. Les articles de presse dans l'ensemble des journaux soulignent d'ailleurs cette manne créatrice au milieu de plus de 650 romans qui paraîtront ces prochains jours. De notre correspondant à Lyon Aux éditions Albin-Michel, Jean-Michel Guenassia publie un premier roman étonnant Le Club des incorrigibles optimistes. Il nous plonge dans les douze ans d'un adolescent en 1959, en pleine guerre d'Algérie, vue depuis les années actuelles, au milieu d'une histoire qui nous mène en Russie. Nous y reviendrons dans ces colonnes. Comme nous parlerons aussi du prochain roman de Laurent Mauvignier, à paraître le 3 septembre chez Minuit, Les Hommes, un livre qui donne vie à ces hommes emportés malgré eux dans les troupes engagées dans le djebel algérien et qui se remémorent d'année en année ce combat : « Tous ces mariages, ces naissances, ces communions et ces gueuletons avec les anciens d'Afrique du Nord, les méchouis, la nostalgie de quelque chose de perdu. » Trop jeune pour avoir connu ça, l'auteur fait revivre le retour d'Algérie de son père… parti pour une guerre qui n'était pas la sienne. Les éditions de Minuit, qui ont tellement apporté dans les années 50 et 60 pour la compréhension de l'horrible guerre, continuent sur leur lancée, plus de quatre décennies après. Dans ce registre des origines brisées, Annelise Roux publie chez Sabine-Wiespeser (éditeur) un roman intitulé La Solitude de la fleur blanche. Elle dit : « Nous venions de nulle part, d'un trou noir mental appelé Algérie, nous étions louches, sans le sou, dénués de qualification particulière, des prolétaires ayant été sans le moindre égard jetés dehors de ce qu'ils considéraient être chez eux, ficelés dans le silence. » Il n'y a pourtant nulle résignation, écrit l'éditrice : « Elle décide d'échapper par les mots, les siens et ceux des autres, à la malédiction des origines. » Un très beau livre d'une écrivaine qui a déjà publié plusieurs polars chez Gallimard. Benjamin Stora, quant à lui, publie chez Robert Laffont une somme intitulée Le Mystère de Gaulle, son choix pour l'Algérie. L'historien a choisi de disséquer les hésitations du général qui, dès son retour aux affaires en 1958, a longtemps évolué, et hésité sur le statut futur de l'Algérie. Déjà paru, pourquoi ne pas signaler, chez Bouquins (Robert-Laffont), L'Algérie et la France de Jeannine Verdès-Leroux. Les 132 ans de la présence française restent en grande partie inexplorés. Pour les comprendre, ce dictionnaire décrit des moments de l'histoire de ce territoire brutalement conquis en 1830. Il remonte aux royaumes berbères et s'arrête à l'exode des pieds-noirs et à l'indépendance de l'Algérie (1962). L'ouvrage réunit 160 collaborateurs de spécialités et de générations différentes (historiens, écrivains, spécialistes de littérature, anthropologues, juristes, linguistes, médecins, physiciens, urbanistes, économistes) pour faire le point sur cette histoire encore objet de passion. Des universitaires et écrivains nés et vivant de l'autre côté de la Méditerranée participent à cet inventaire. Enfin, à rappeler les parutions des auteurs algériens chez Fayard. Amine Zaoui sort La Chambre de la vierge impure, qui chante l'amour des femmes et celui des livres, la passion des histoires. Mais La Chambre de la vierge impure est aussi un livre de résistance. Dans la fumée psychotrope, les récits qui s'enchâssent ont l'étrange vertu de renvoyer à l'état de fable ce qui est bien réel : une Algérie confrontée à l'intolérance et à la violence. Anouar Benmalek publie Le Rapt. Follement épris de sa femme, Aziz n'en est pas moins un homme détaché et caustique. Seul moyen qu'il a trouvé pour se préserver des tensions et des violences qui agitent l'Algérie. Mais lorsque sa fille de quatorze ans est enlevée, il comprend que l'ironie ne lui sera plus d'aucun secours. Chez le même éditeur (Fayard) Malek Chebel a publié une traduction du Coran ainsi qu'un somptueux Dictionnaire encyclopédique du Coran. De quoi passer quelques belles soirées de Ramadhan.