Le procès Clearstream s'est ouvert hier devant le tribunal de Paris, qui devra arbitrer un duel entre deux ennemis jurés, l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin et le président Nicolas Sarkozy, promettant de lever un voile sur les turpitudes de la politique française. Ce procès d'une machination devenue affaire d'Etat, va durer plus d'un mois et présente un casting mêlant responsables politiques de premier plan, grands industriels, mais aussi d'anciens dirigeants des renseignements et des services secrets, dont les témoignages sont très attendus. L'affrontement entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, soupçonné d'avoir participé à une machination contre le premier, devait commencer dès l'ouverture de l'audience d'hier. Les avocats de l'ex-Premier ministre tenteront d'écarter du procès le président, qui est -fait exceptionnel- l'une des quarante parties civiles. Il sera représenté par son avocat, qui siègera au banc des victimes. Dominique de Villepin, l'un des cinq accusés dans cette affaire, ne cesse de dénoncer “l'acharnement” de Nicolas Sarkozy à son encontre et le déséquilibre créé par le poids de la fonction présidentielle dans ce procès. “Plus il y aura d'obstacles et plus nous résisterons”, promet l'un de ses quatre avocats, Me Olivier Metzner. “Notre client et ses avocats sont très combatifs”, assure-t-il dans une interview au Journal du Dimanche. Au cœur du dossier, qui remonte à 2003 : de faux listings de personnalités politiques et industrielles, dont Nicolas Sarkozy, accusées de détenir des comptes occultes à la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream. Le but de la manipulation est de discréditer ces faux détenteurs de comptes, en les faisant passer pour des bénéficiaires de pots-de-vin au moment d'une vente d'armements à Taïwan en 1991. Un juge, qui enquête sur ces faits de corruption, reçoit ces listings, expédiés anonymement. Une enquête pour dénonciation calomnieuse est ouverte. Nicolas Sarkozy est à l'époque ministre dans le même gouvernement que Dominique de Villepin, avec qui il est engagé dans une lutte sans pitié pour succéder à Jacques Chirac en 2007. Il soupçonne rapidement son rival d'avoir participé à cette machination pour lui barrer la route vers l'Elysée. Il fait alors le vœu de “pendre à un croc de boucher” l'auteur de cette déstabilisation, selon des propos qui lui sont prêtés dans plusieurs livres. “Il est grand temps que toutes ces combines sous la Ve République, une bonne fois pour toutes, on en soit débarrassé, qui que ce soit qui les fasse”, déclarait encore récemment le président. “Les officines, les combines, il y en a eu beaucoup trop”, avait-il encore estimé, en lançant : “Maintenant que les prévenus s'expliquent et que les juges décident.” Dominique de Villepin, inculpé de complicité de dénonciation calomnieuse et qui risque jusqu'à cinq ans de prison et 45 000 euros d'amende, nie quant à lui toute implication dans cette falsification. Devant le tribunal, l'ex-Premier ministre joue son avenir politique. Malgré la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 et même s'il est aujourd'hui isolé politiquement, il n'a pas renoncé à ses ambitions présidentielles et à prendre sa revanche sur son ennemi. À ses côtés, comparaîtront Imad Lahoud, mathématicien auteur présumé des faux listings informatiques, Jean-Louis Gergorin, ex-dirigeant du groupe EADS et homme de réseaux, ainsi qu'un ancien auditeur chez Arthur Andersen, Florian Bourges, et un journaliste d'investigation, Denis Robert. Le procès doit durer jusqu'au 23 octobre.