Les 32 000 employés de l'entreprise sont déterminés à sauver leur outil de production. Ils rejettent la loi sur l'électricité et le gaz telle que préconisée par Chakib Khelil. Le fameux black-out, vécu la nuit du 3 février dernier, risque de se reproduire volontairement au cours du mois de septembre prochain et ce, pendant trois jours. Pour cause, les 32 000 travailleurs de Sonelgaz et de ses filiales ont décidé de débrayer à la rentrée sociale. L'interruption de la fourniture des deux énergies – gaz et électricité – concernera aussi bien les foyers que les entreprises et ce, à travers le territoire national. Le pays en sera entièrement paralysé. Les centrales de production d'électricité seront à l'arrêt et la distribution sera sérieusement perturbée. Ni gaz ni électricité. Pourquoi ? Ils protestent contre la nouvelle loi sur l'électricité et le gaz, telle que préconisée par le ministre de l'Energie et des Mines. Laquelle loi stipule le démembrement de la sonelgaz, avec la filialisation de l'ensemble des activités de la société. En un mot, ils craignent la disparition pure et simple de leur entreprise avec le texte de loi de Chakib Khelil. La décision de grève générale de trois jours a été annoncée, hier, par le secrétaire général du syndicat d'entreprise de sonelgaz, M. Teli, à la Maison du peuple, en présence du secrétaire général de l'UGTA, M. Sidi Saïd, et du secrétaire national chargé des affaires économiques, M. Badreddine. La présence de ces derniers dénote bien le soutien indéfectible de la Centrale syndicale à la démarche du syndicat de la Sonelgaz. Le leader de l'UGTA n'est d'ailleurs pas allé avec le dos de la cuillère, en décriant la politique énergétique de Chakib Khelil. Le premier responsable de l'union générale des travailleurs algériens a, sans ambages, réaffirmé l'appui de la centrale, en criant haut et fort : “Allez à la bagarre, et nous sommes devant vous et à vos côtés.” Cette position a été fortement ovationnée par l'assistance qui n'a pas cessé, durant toute la réunion, de réclamer le recours à la grève générale. Le débrayage semble être, selon les syndicalistes représentant les différentes filiales de l'entreprise, le seul langage possible face à l'indifférence affichée jusque-là par le premier responsable du secteur de l'énergie et des mines. En effet, M. Teli a passé en revue la situation de la production de l'électricité qui ne cesse de baisser d'année en année, alors que la demande est en croissance permanente. Pour combler le déficit, les responsables de l'entreprise ont recouru, dit-il, à la politique de délestage, c'est-à-dire à l'interruption délibérée du courant électrique d'une manière assez fréquente. Le niveau de la coupure atteint parfois les 150 mégawatts. Cette coupure volontaire touche beaucoup plus les régions de l'est et parfois le centre du pays. À titre indicatif, le syndicaliste a rappelé la coupure du 6 juillet courant qui a touché les wilayas de Sétif et Annaba, pour un délestage de 109 mégawatts. Pis, M. Teli n'a pas caché sa colère lorsqu'il évoquait les cas d'achat du courant électrique chez nos voisins tunisiens, la société STEG. La Sonelgaz qui alimentait par le passé plusieurs régions tunisiennes se permet aujourd'hui le luxe d'acquérir l'énergie chez le pays de Zine El-Abidine Ben Ali pour une moyenne de 20 à 50 mégawatts et ce, d'une manière régulière. Pour l'anecdote, l'on se souvient encore de la fameuse déclaration attribuée au défunt président Habib Bourguiba : “nous avons soufflé un mot, nous avons passé la nuit dans le noir.” Néanmoins, qui est responsable de cette situation aujourd'hui ? La réponse est toute simple, la Sonelgaz, sur instruction de Chakib Khelil, a bloqué tous les programmes d'investissement devant aboutir à la construction de nouvelles centrales électriques. Les 15 centrales que compte le pays ne suffisent plus aux besoins. Les exemples édifiants à citer sont inévitablement les projets de centrales de Aïn Beïda de 2 000 mégawatts et de Skikda de 800 mégawatts. “On a décidé de bloquer l'investissement direct par l'entreprise et d'ouvrir le marché, il y a trois ans, à l'investissement privé et étranger, maintenant qu'on ne se bouscule pas au portillon, le ministre décide que la Sonelgaz reprenne ces deux projets mais avec un retard de plus de 3 ans”, a-t-il encore martelé. Et de poursuivre : “Le ministre veut briser la Sonelgaz.” La position des travailleurs de la Sonelgaz se résume au rejet pur et simple de la filialisation des divisions, de production, de distribution et de transport. Le syndicat revendique également l'amélioration des conditions de travail et la révision du régime indemnitaire. Faute de quoi, les 32 000 employés débrayeront en septembre prochain. La balle est dans le camp des pouvoirs publics et que chacun assume ses responsabilités, laissent-ils entendre. Pour sa part, M. Badreddine a mis en avant les arguments prouvant l'échec de la politique énergétique de Chakib Khelil qui, dit-il, ne vise que le bradage d'un secteur aussi névralgique que celui de l'énergie. Et de rappeler à l'assistance que la centrale syndicale a saisi le chef du gouvernement sur ce conflit qui risque de paralyser l'Algérie. Sidi Saïd s'est interrogé, pour sa part, si ces gens qui cherchent à brader le secteur de l'énergie ne sont pas atteints de “folie furieuse” et s'ils ont un “brin d'algérianité”. Le ton a été donné hier. La balle est dans le camp des pouvoirs publics et c'est à eux d'assumer leurs responsabilités. R. H. Conséquence du délestage à Tizi Ouzou L'alimentation en eau potable perturbée Dans un communiqué rendu public hier, l'Algérienne des eaux informe ses clients qu'en raison des délestages que vient d'opérer la Sonelgaz sur les réseaux électriques alimentant les principaux forages de Boukhalfa, Oued Aïssi et Pont de Bougie, l'alimentation en eau potable sera perturbée aujourd'hui, durant toute la journée, dans les principaux quartiers de la ville de Tizi Ouzou. L'Algérienne des eaux précise, toutefois, que la situation se rétablira dès que l'alimentation en énergie électrique sera stabilisée. Sidi Saïd répond à Bouteflika Le patron de la Centrale syndicale a saisi l'opportunité de la rencontre syndicale, organisée par le syndicat de la Sonelgaz, pour répondre au président de la république qui a traité, dans sa dernière sortie à l'est du pays, les travailleurs algériens de fainéants. Sans ambages et sans citer le président de la république, Sidi Saïd a affirmé : “En guise de remerciements, on vous traite de fainéants, je refuse fondamentalement le qualificatif de fainéantise. Qu'on nous donne les moyens, nous sommes capables de redresser la situation.” Le message est clair. Bouteflika qui a eu l'appui de l'UGTA, en 1999, pour accéder au pouvoir, ne bénéficierait pas, à coup sûr, des 3 millions de voix des travailleurs adhérents de l'UGTA, s'il se présente, en avril prochain, pour un second mandat. R. H.