Les consommateurs risquent de subir les conséquences des tergiversations des pouvoirs publics sur ce dossier. D'habitude, le prix du pétrole est fixé suivant l'équilibre entre l'offre et la demande. Or, le contexte géopolitique international, la faiblesse du dollar, mais aussi les effets de la spéculation continuent de provoquer la hausse des cours. La crise des subprimes aux Etats-Unis aurait poussé les spéculateurs à abandonner les bourses en chute et s'orienter vers des marchés des autres matières premières telles que le pétrole, l'or et les matériaux, pour une meilleure rentabilité. C'est par ce développement que le ministre de l'Energie et des Mines, le Dr Chakib Khelil, a expliqué l'actuelle flambée des prix du pétrole. Cette situation va, selon le ministre, se maintenir quand bien même l'équilibre entre l'offre et la demande est effectif. Même une hausse des stocks ne pourra pas, ajoute-t-il, avoir d'impact pour une éventuelle baisse des cours. Les stocks actuels ont dépassé, en effet, la moyenne des 5 dernières années. La baisse de la demande de près de 1,2 million de barils attendue pour le second semestre, voire durant toute l'année en cours, n'engendrera pas, elle aussi, une chute des prix qui se situeront, affirme le Dr Khelil, entre 80 et 110 dollars le baril. Invité du Forum de l'ENTV, Chakib Khelil tient à préciser que cette envolée des prix n'est aucunement due à une baisse de la production ou de l'offre, tel qu'avancé par certains pays grands consommateurs qui continuent d'exercer des pressions sur l'Opep, l'accusant d'être à l'origine de la crise aux Etats-Unis, voire dans le monde. Ce n'est pas le cas pour l'Europe où le prix n'a pas changé d'une manière sensible. La hausse du baril en monnaie américaine est passée, explique-t-il, de 50 dollars à 110 dollars. En monnaie européenne, estime-t-il, la flambée est de l'ordre de 70 euros seulement. Il avoue que le pétrole est resté au même niveau pour les Européens. Concernant l'élaboration de la loi de finances à un prix de référence du pétrole à 19 dollars, alors que les cours du marché dépassent les 100 dollars, Chakib Khelil souligne que toutes les recettes engrangées (au-delà de 19 dollars) iront s'accumuler dans le Fonds de stabilisation. Ce fonds est utilisé pour le budget et le financement des projets pour peu qu'il (le fonds) n'atteigne pas un seuil au-dessous de 10 milliards de dollars tel que le stipule un texte de loi. Une banque pour Sonatrach En termes plus clairs, tous les avoirs qui dépassent les 10 milliards de dollars sont exploités pour rembourser la dette et financer les projets lancés. Abordant la situation des salaires des travailleurs de Sonatrach qui les pousse à opter pour d'autres sociétés étrangères, le ministre rappelle la décision de la création d'une banque propre à la compagnie. À l'instar de ce qui se fait dans quelque 150 pays dont les entreprises disposent de leurs propres établissements financiers dénommés “Credit Union”, “cette banque, réservée exclusivement aux employés de Sonatrach, financera les propres projets de ces derniers”, annonce-t-il. Ce projet se veut aussi une solution pour stabiliser les travailleurs au sein de la compagnie nationale et éviter ainsi la saignée de ses cadres dont elle a péniblement souffert ces dernières années. La loi “caisse d'économie et d'épargne” est, pour cela, adoptée par l'APN. Le ministre confirme en outre qu'une nouvelle grille des salaires pour ses employés sera appliquée par l'administration de Sonatrach et que l'environnement dans lequel ils évoluent sera amélioré. Revenant sur la décision de l'Opep de maintenir la production au même niveau actuel, il a ajouté qu'elle est également prise pour qu'aucune réunion ne soit programmée jusqu'au 9 septembre prochain. Néanmoins, la situation peut être étudiée, affirme le Dr Khelil, au cours d'une rencontre du Club mondial de l'énergie, qui regroupera tous les ministres, prévue le 20 avril prochain à Rome (Italie). Catégorique, il avoue qu'il n'y a aucune raison pour augmenter la production. “La décision à ce propos ne peut être prise que lors de la réunion du 9 septembre prochain”, confirme-t-il. Sur un autre registre, Chakib Khelil annonce d'une manière solennelle que l'idée de la création d'une Opep de gaz se confirme réellement. Chargée par le club des producteurs et exportateurs de gaz pour faire ses propositions quant à la faisabilité d'un tel projet, la Russie présentera ses suggestions au cours d'une réunion prévue le 24 juin prochain. “À l'issue de cette rencontre, nous allons étudier la création d'une organisation de façon officielle”. Des prix du pétrole entre 80 dollars et 110 dollars en 2008 La flambée de la monnaie européenne face au billet vert pousserait-elle l'Algérie à vendre son pétrole désormais en euro ? Ce n'est pas de l'avis du premier responsable du département de l'Energie. Notre pays continuera, dit-il, à commercialiser son pétrole en dollar qui demeure le prix de référence utilisé par l'ensemble des pays de l'Opep. L'Algérie réalise 60% de ses importations en euro et 40% en dollar. Le billet vert est ainsi échangé en monnaie européenne dès sa réception. Pour ce qui est du conflit sur la révision à la hausse des prix du gaz demandée par Sonatrach à la compagnie espagnole Gas Natural, M. Khelil indique que la situation demeure inchangée. Une assemblée générale a eu lieu la semaine dernière pendant laquelle la partie algérienne a montré au ministère de l'Energie espagnole sa disponibilité à poursuivre les négociations pour trouver une solution. Interrogé sur les recettes émanant de la taxe sur les profits exceptionnels imposée à toutes les entreprises étrangères exerçant en Algérie, Chakib Khelil souligne que ces entrées ont atteint 2 milliards de dollars. “Ces firmes étrangères peuvent refuser le paiement de cette taxe, mais Sonatrach a elle aussi la possibilité de recourir à l'arbitrage international pour faire valoir ses droits”, précise-t-il. Hausse des tarifs de l'électricité : le choix entre deux options En ce qui concerne la hausse des prix de l'électricité demandée par Sonelgaz, Chakib Khelil déclare que deux options se présentent devant les pouvoirs publics. Soit l'on opte carrément pour l'augmentation des tarifs, soit l'Etat accompagne Sonelgaz dans la réalisation de ses investissements d'autant plus que l'utilisation d'électricité augmente tous les ans de 5%. Puisque la hausse des tarifs est refusée par le gouvernement, alors il est opportun d'apporter le soutien à l'entreprise nationale pour la construction de nouvelles stations et autres projets. Un montant de 28 milliards de dollars sera par ailleurs réservé à des projets d'investissements dans le secteur de la pétrochimie. La production algérienne en pétrole est actuellement évaluée à 1,4 million de barils/jour et 300 000 barils/jour de GPL et de condensat. L'Algérie dispose, ajoute le Dr Khelil, d'un domaine minier de 1,5 million de km2 des surfaces potentielles où il est possible de trouver du pétrole ou du gaz. Or, il n'a été exploité que 8 à 10 puits/10 000 km2. Ce qui éloigne toute idée d'absence de pétrole dans notre pays dans les 30 à 40 années à venir. Badreddine KHRIS