Aucune explication n'a été donnée à cette mise à l'écart. Cependant, des sources bien informées font le lien entre cette décision et les positions défendues par M. Benghanem en matière de politique énergétique. Il avait notamment proposé des projets d'investissement que le ministre de l'Energie a rejetés. Cela a contraint la société à opérer des délestages et à envisager l'importation d'électricité. Le secteur de l'electricité est sous haute tension. Contre toute attente, le PDG de Sonelgaz, M. Aïssa Benghanem vient d'être limogé. La décision lui a été signifiée hier. C'est clair, c'est le ministre de l'Energie qui a décidé, avec le feu vert du chef de l'Etat, de faire remplacer le patron de la compagnie nationale d'électricité. Les milieux branchés du secteur ne s'attendaient aucunement à ce changement tant le titulaire du poste, aux commandes de l'entreprise depuis huit ans, avait montré de hautes qualités de gestion et de réactivité aux crises dans la branche. Comme à l'accoutumée, la décision n'a pas été motivée. En fait, “on lui a reproché son franc-parler”. Benghanem trouvait anormal que l'Algérie, un pays riche en énergie, importe de l'électricité de la Tunisie, suite à la pénurie de l'hiver 2002-2003, alors qu'elle était depuis quinze ans un exportateur net d'électricité. On doit avancer, pas reculer, martelait-il. Ce dernier avait présenté un programme d'investissements pour prévenir toute pénurie d'électricité. Un plan qui avait été rejeté par la tutelle. Tout simplement parce que la nouvelle politique d'ouverture en matière d'électricité misait sur les investisseurs étrangers pour développer la capacité nationale de production de cette énergie. On sait aujourd'hui que cette politique a échoué. Ces investisseurs ne se sont pas manifestés, entraînant une pénurie chronique d'électricité, se manifestant par le black-out de février dernier qui a plongé tout le nord du pays dans le noir ainsi qu'une série de délestages dans différentes régions du pays. M. Benghanem était monté au créneau pour alerter les décideurs et l'opinion publique sur les incidences négatives de cette politique. On nous a demandé de ne pas investir en moyens de production. Ce qui fait que Sonelgaz manque aujourd'hui d'énergie, d'où les fréquentes coupures d'électricité en hiver. On (ndlr le ministère de l'Energie) a trop misé sur le projet de centrales électriques de 2 000 MW, objet de soumissions des grands électriciens, Edf, Endesa, Enel, Aes qui est resté en rade pendant plusieurs années, faute de financements européens, disait-il. Le lancement du projet bute toujours sur cet écueil. Résultat, on risque cet hiver de connaître, de nouveau, de sérieux problèmes d'alimentation en électricité. Cette intervention salutaire a déplu au ministre de l'Energie, a ajouté la même source. Pour être allé à contre-courant de la politique de Chakib Khelil, Benghanem a donc payé cher cette position. Ce changement était dans l'air depuis une année, a souligné la même source. Comme Bouhafs, l'ex-PDG de Sonatrach, Benghanem a manifesté à plusieurs reprises son esprit d'indépendance. En l'occurrence, lorsque le ministre avait évoqué, pour se dédouaner de cette grosse panne dont la responsabilité lui est indirectement imputée, la possibilité d'indemnisation des clients qui ont subi des pertes à cause du black-out, le PDG de Sonelgaz a campé sur une autre position. Il faut aller demander des dédommagements à Sonelgaz, a lancé Chakib Khelil aux ménages devant le plateau de la télévision. Quelques jours après, le patron de Sonelgaz, dans une émission de l'ENTV, demandait sans obtenir de réponse au représentant du ministère de l'Energie s'il y avait une décision de la tutelle, avant d'exprimer, sans calculs son point de vue : s'il y a dédommagement, il faut que les pertes dues à cause du black-out soit prouvées devant les tribunaux. En fin de compte, la position de Chakib Khelil, après que l'Algérie eut subi l'électrochoc de la pénurie d'électricité, s'est finalement alignée sur celle de Benghanem, donnant ainsi raison au patron de Sonelgaz. Le ministère a dû, en définitive, sortir des cartons les projets de centrales de Sonelgaz. Il donnera son feu vert au lancement des projets prioritaires de Aïn Fkirina, dans la wilaya d'Oum El-Bouaghi qui évitera, en principe, à l'Algérie, de passer l'hiver 2004-2005 dans la hantise de la coupure d'électricité, en attendant que les projets de centrales d'Arzew et de Skikda en cours de réalisation prennent le relais en 2005. Et éviter à moyen terme toute pénurie. Mieux, M. Benghanem demandera que ce problème de manque d'énergie soit réglé à plus long terme. Là, également, Chakib Khelil le suivra. Les projets de Berrouaghia et de trois centrales de 1 200 MW à l'Est, au Centre et à l'Ouest sont ainsi retenus pour être lancés dans les prochains mois, voire les prochaines années. Mais pourquoi alors limoger maintenant le patron de Sonelgaz ? Le franc-parler a dû laisser des traces. Pas seulement. La conjoncture actuelle caractérisée par la fièvre pour ne pas dire la folie de la présidentielle met sous haute tension les fortes têtes parmi les managers des entreprises publiques. M. Benghanem, de surcroît, est natif de Khenchela, une origine politiquement incorrecte actuellement, à quelques mois de l'échéance électorale. Suivez mon regard… Enfin, la même source nous a indiqué que le successeur du patron du groupe Sonelgaz est M. Boutarfa, un ancien responsable de la compagnie qui était avant sa nomination le président de l'AEC, l'entité créée entre Sonatrach et Sonelgaz chargée, entre autres, de l'exportation de l'électricité et de la réalisation de stations de dessalement d'eau de mer en Algérie. Il sera installé le 9 janvier. N. R.