Un des derniers bastions de la mixité dans l'université algérienne est tombé cette semaine à Boumerdès, où la seule résidence mixte a été fermée et remplacée par deux résidences, une pour les filles et l'autre pour les garçons. Au niveau national, seule la wilaya de Béjaïa compte encore huit résidences universitaires mixtes, mais elles seront bientôt fermées, nous a-t-on appris de sources proches du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ce qui fera de l'Algérie le seul pays au Maghreb à ne pas accepter la mixité à l'université. Un paradoxe quand on sait que les milliers de cadres, de chercheurs, de romanciers, de ministres, y compris ceux qui nous gouvernent actuellement, sont sortis d'une université ayant toujours disposé de résidences mixtes. Si l'amélioration des conditions de vie et de travail est avancée comme seul argument pour justifier cette décision, il n'en demeure pas moins que d'autres considérations auraient, selon des étudiants, prévalu. C'est, en tout cas, l'avis de quelques étudiantes et étudiants de Boumerdès qui continuent de manifester depuis plusieurs jours leur opposition à cette décision qualifiée d'“idéologique”. Les étudiants de Boumerdès ont été surpris par la décision de la direction des œuvres universitaires, qui les a invités à quitter la résidence Ziani de l'Inim, réservée désormais aux filles, pour aller rejoindre leur nouvelle résidence à l'INH. “Cette résidence a été toujours mixte et les filles et les garçons ont toujours vécu et cohabiter ensemble dans une ambiance dépourvue de problèmes”, indique un étudiant. Un autre déclare que “les pouvoirs publics sont en train de faire le jeu des extrémistes et de certains partis religieux”, avant d'ajouter que “l'amélioration des conditions de vie des étudiants ne passe pas par la suppression de la mixité dans l'université algérienne”. Selon M. Bouyahyaoui, directeur des œuvres sociales universitaires, joint hier par téléphone, cette décision prise par le ministère de l'Enseignement supérieur entre dans le cadre de la normalisation du système de gestion des œuvres sociales universitaires et elle a été prise dans le souci d'améliorer les conditions de vie des étudiants. M. Bouyahyaoui précise que la décision de transformer la résidence Ziani en une résidence pour filles a été prise en 2006 et vise à améliorer la vie des étudiants et des étudiantes. Il ajoute que seules les commodités ont prévalu dans cette prise de décision. “Beaucoup de filles se plaignent des problèmes qu'elles rencontrent avec les garçons, notamment des agressions”, explique M. Bouyahyaoui qui dit que la porte du dialogue est ouverte pour discuter avec les étudiants protestataires. Mais au-delà du cas de Boumerdès, c'est le fondement même de la mixité au niveau de l'université qui est remis en cause par le ministère de l'Enseignement supérieur qui avait annoncé, pour rappel, qu'à partir de l'année universitaire 2009/2010, il n'y aura plus de cités U mixtes en Algérie. “Si dans certaines universités cette décision a été appliquée sans beaucoup de problèmes c'est parce qu'elle a été soutenue par certaines organisations estudiantines proches de partis religieux”, affirme un éminent professeur de l'INH rencontré hier à l'université M'hammed-Bouguerra. Ce dernier s'étonne qu'un pays comme l'Algérie, qui se targue d'être un pays démocratique et moderne, supprime la mixité dans son université juste pour acheter la paix avec certaines organisations estudiantines religieuses, ajoute-t-il. Pour rappel, de nombreux affrontements ont eu lieu entre des étudiants pro et anti-mixité dans certaines universités algériennes. De nombreux étudiants, rencontrés hier, craignent pour le devenir de l'université algérienne. “Le vent de l'intégrisme religieux souffle de nouveau”, disent-ils.