Même si un calme relatif est revenu à la résidence universitaire Ziani Lounès, à Boumerdès, depuis dimanche dernier, après des affrontements entre étudiants et agents de la sécurité, rien n'est encore réglé pour les résidentes. Tout le monde est sur ses gardes. Retour sur les lieux. Mercredi, 11h à la résidence Ziani Lounès, dernière cité universitaire mixte de Boumerdès. De l'extérieur, tout semble être rentré dans l'ordre, après les violents incidents de la semaine dernière. « Dimanche 27 septembre, les étudiants arrivés pour leurs examens de rattrapage à leur résidence universitaire habituel voient leurs dossiers transférés vers la cité de l'INH (Institut national des hydrocarbures) », raconte une étudiante en 5e année sciences de la matière. La direction des œuvres universitaires a procédé à un échange entre les deux cités mixtes pour avoir une cité pour les garçons et une autre pour les filles, annulant ainsi le caractère mixte de ces deux résidences. Une démarche décidée apparemment sans consultation des étudiants. Surpris, ces derniers n'acceptent pas de céder leurs chambres. Ils craquent. « Toute la journée, les garçons faisaient du bruit et tournaient autour de la cité pour tenter de rentrer. Ils n'acceptaient pas le fait qu'ils ne possèdent plus de chambre dans cette cité. Ou peut-être qu'ils ne voulaient pas de cité sans mixité. Je ne sais pas trop. Désespérés, ils se lancent dans la violence. Ils rentrent de force à l'intérieur même de la cité malgré la présence des agents de sécurité. Ce jour-là, ils ont passé la nuit à l'extérieur. C'est carrément par terre qu'ils ont dormi », témoigne la même étudiante. Lundi matin, plus aucune trace de violence. Les garçons ont dû, pour certains, rentrer chez eux, pour d'autres, il fallait se concentrer pour les examens de rattrapage. Une semaine plus tard, soit dimanche 4 octobre, jour de la rentrée universitaire, la cité renoue avec la violence. « Un groupe de garçon est arrivé devant le portail à 13h30 et tente de rentrer, sans succès. Les agents étaient là pour leur bloquer l'accès », précise-t-elle. Un dispositif spécial a-t-il été déployé pour y faire face ? « Je ne sais pas, mais j'ai dû reconnaître des cuisiniers et le personnel de la restauration en uniforme de sécurité. Tout le monde avait de quoi se défendre, bâton en bois, en fer… n'importe quoi pour nous défendre », poursuit l'étudiante. Les garçons avaient-ils l'intention de les agresser ? « Nous ne le savons pas, l'important pour nous est qu'ils ne réussissent pas à pénétrer notre résidence. » Elle continue de relater les affrontements : « Voyant qu'ils n'arrivaient pas à accéder à travers le portail central, les garçons ont temporisé… puis ont réussi, après de violents affrontements avec les agents, à pénétrer dans la cité. Ils ont forcé le portail qui a été soudé une semaine auparavant après les premiers incidents. Ils sont restés jusqu'à une heure tardive et ont même tenté de rejoindre leurs blocs qui sont actuellement occupés par des résidentes venus de l'INH. » A l'heure du déjeuner, nous sommes invités par un groupe de filles dans le réfectoire qui n'a de réfectoire que le nom. Nous nous croyions en prison. La salle ressemble à une cage où on y a laissé uniquement la place à une seule personne entre les barreaux et le mur. Une astuce de la direction de la cité pour « discipliner » les étudiantes et les obliger à respecter la file. Ces filles tiennent un discours nuancé par rapport à celui tenu par le premier groupe de la « tendance Ugel » (syndicat étudiant proche du MSP). Ces dernières semblaient satisfaites de l'abolition de la mixité dans la résidence : « Nous sommes plus à l'aise maintenant. Nous pouvons nous balader le soir dans la cour sans gêne et ouvrir les fenêtres sans le risque que quelqu'un puisse nous voir. » Au réfectoire, l'opinion est différente : « Nous n'avons pas peur de la mixité. Au contraire, aujourd'hui nous avons l'impression d'être plus menacées. Plusieurs journaux nous ont accusées d'avoir participé au rassemblement pour exiger le retour de la mixité. C'est scandaleux, notamment vis-à-vis de nos parents. On ne nous comprend pas et on trouve le moyen de nous juger. D'abord nous tenons à dire que durant la période où la cité était mixte, il n'y a jamais eu de problème avec les garçons, et même les agents de sécurité avaient du mal à nous intimider. Maintenant, c'est le contraire qui se produit. La voie est désormais libre pour tout harcèlement de la part de certains agents de sécurité. De plus, lorsque nous nous trouvions aux rassemblements au milieu des affrontements, c'était dans l'intention de protéger nos camarades. En notre présence, les agents de sécurité se ressaisissaient et devenaient moins violents », témoigne une étudiante en fin de cycle. « Par politesse et amitié, ajoute une camarade à elle en 5e année sciences des hydrocarbures, nous leur apportons à manger… Je viens d'être transférée ici, et je crois que mes camarades et moi ne supportons pas les conditions médiocres de la cité. Il n'y a aucune condition de vie ! Ce qui se passe ici est grave. » Les étudiants demandent une commission d'enquête Quatre organisations estudiantines de l'université M'hamed Bouguera de Boumerdès ont placardé leur communiqué à l'entrée de la résidence. Elles demandent une commission d'enquête sur les agressions dont ont été victimes plusieurs étudiants de la résidence. Le même communiqué fait part des pressions et intimidations qu'auraient subies les filles de la résidence Ziani de la part de certains agents de sécurité de la résidence.