La laque, communément appelée glycérophtalique dont l'odeur forte est synonyme pour nos ménagères de propreté absolue, n'est autre qu'un mélange de solvants : les hydrocarbures aliphatiques mélangés aux hydrocarbures aromatiques, voire le simili, techniquement appelé le white-spirit (contenu à hauteur de 50% dans les cires à bois et dans bon nombre de produits ménagers et autres aérosols) dont les effets négatifs prouvés sur la santé publique et sur l'environnement ont induit à leur prohibition dans les pays développés. En Algérie, l'inexistence de normes techniques relatives à l'utilisation et à la production de ces peintures est déplorable. Selon Mohamed Slim Fodil, diplômé en chimie des peintures vernis et encres de l'ITECH de Lyon, également directeur de Purepox Coatings, cet état de fait est inhérent à “un mode de consommation standardisé et à un conformisme de fabrication reniant toute innovation et toute velléité de diversification”. Résultat, ce standard dans le domaine des peintures du bâtiment et de l'industrie continuera à avoir de beaux jours devant lui face au vide réglementaire. On n'explique toutefois pas pourquoi la réglementation est drastique par rapport à l'importation de certaines matières premières entrant dans la fabrication de peintures, entre autres, et de certains autres produits — on peut citer la nitrocellulose qui est un produit classé dangereux — mais occulte les aspects liés à la fabrication et à la commercialisation notamment. À ce chapitre justement, on ne peut que s'interroger sur l'importation — et revente — de produits déstockés classés toxiques et contenant des COVs (composés organiques volatils comme les gaz et les solvants) à l'origine de maladies comme le saturnisme, l'allergie et autres maladies respiratoires, et même certains cancers. D'autre part, à l'inexistence de normes techniques, il faut ajouter la réticence des applicateurs de peinture et vernis dont la plupart hélas ne sont, il faut le reconnaître, pas des professionnels ! Ces derniers “ne reconnaissent que la peinture vinylique ou la laque glycérophtalique brillante dans le domaine du bâtiment et les vernis cellulosiques pour les applications en ébénisterie”, argue M. Mohamed Slim Fodil qui parle de “conformisme rigide”. Mais encore. Dans les cahiers des charges dressés par les architectes et les bureaux d'études, on retrouve ces même standards qui ne sont ni plus ni moins imposés par les pros du bâtiment censés ne pas ignorer les technologies nouvelles, les nouvelles techniques et les procédés en vigueur dans les pays développés très regardants et ne badinant avec les incidences sur la santé publique. C'est ce qui fait dire à notre interlocuteur — qui est aujourd'hui le seul, il est en effet le doyen des fabricants de peintures hydrodiluables à fabriquer depuis 1995 (Fod Color puis Purepox Coatings), des laques sans plomb, “par acquis de conscience car rien ne nous y oblige”, dit-il — que “nous sommes encore face à un problème de culture”. “Les peintres, les tôliers et les aménageurs sont rétifs à ces nouveaux procédés qui sont, il faut l'avouer, difficiles à adopter. Nous continuons à faire un véritable travail de communication et d'information, nous formons des peintres que nous initions aux nouvelles techniques. Le même scénario s'est produit en Europe dans les années 1980”, explique le patron de Purepox Coatings. Le problème, c'est que cela nous cause vingt ans de retard ! Plus respectueuses de l'environnement, les peintures hydrodiluables préservent surtout la santé puisque ne contenant pas de COVs. De plus, on relève parmi les avantages le fait qu'elles laissent respirer les murs. Détail très important pour ce qui est de la qualité de l'air et de l'environnement intérieur souvent décrié pour son taux de pollution non négligeable inhérent à l'utilisation par les ménagères de produits détergents et autres aérosols. Alors que chez nous les peintures hydrodiluables ne font toujours pas l'unanimité pour les raisons précitées, il est utile d'ajouter que les plus grands constructeurs automobiles, à l'instar de BMW et de Mercedes, ont opté pour ces dernières. Bon nombre de ces gros et beaux bolides ne sont ni plus ni moins peints avec ces mêmes peintures. Les faits sont là, rien n'a donc changé sinon que la prise de conscience au lieu d'émaner des pouvoirs publics sont le fait d'initiatives individuelles de personnes soucieuses de préserver leur capital santé. Dans les pays où la recherche est au service des hommes, l'intérêt est porté sur les biosolvants issus de l'agriculture. Leurs caractéristiques techniques intéressent particulièrement les chercheurs qui voient en eux les substituts parfaits des solvants d'origine pétrochimique. Leurs avantages sont liés à la mise en œuvre, pour leur production, de bioressources et au respect de l'environnement. Pour l'heure, il existe trois catégories de biosolvants : les esters d'huiles végétales comme le colza et le tournesol, les esters d'acides organiques (acide acétique, citrique, gluconique et lactique, l'éthanol et les alcools terpéniques non considérées comme COVs). Tous ces procédés préservent la santé et l'environnement. Les chimistes parlent également de solvants biodégradables. En fait, ce n'est ni plus ni moins une nouvelle génération de peintures à faible taux d'émission de COVs (solvants organiques très utilisés dans les peintures qui s'évaporent lors de l'application et du séchage) dans l'air. L'autre deal est d'en réduire sensiblement les déchets. Par ailleurs, le Parlement et le Conseil européens, engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique — en effet, le réchauffement planétaire, voire l'effet de serre, est l'une des conséquences des émissions des COVs —, ont établi une directive fixant des valeurs (teneur en COVs) de certains vernis et peintures d'ici 2010. Va-t- il falloir vingt années de plus pour voir pareilles questions débattues à l'APN ?