Abdou Ben Maâmar, un archiviste au Bastion 23, nous ouvre les portes de la petite maison de pêcheur, dans laquelle il conserve tout un siècle d'histoire. Petite visite dans cette mine pour historiens et étudiants. Des centaines de livres, de vidéocassettes, de documents sur l'histoire de l'Algérie et de bien d'autres pays, ainsi que de somptueux portraits, en céramique, de personnalités, comme Napoléon III, Jean Moulin, Georges Brassens ou l'Abbé Pierre habitent quatre petites pièces de la maison 9 du Bastion 23 du centre culturel du palais du Raïs. Ce patrimoine exceptionnel appartient à Abdou Ben Maâmar. Selon l'archiviste, il y aurait 5 000 vidéocassettes et 3 000 livres. Il regarde et enregistre diverses émissions depuis 1979. Il raconte qu'à l'époque, alors qu'il était encore à Tlemcen, sa ville d'origine, ses seules sources étaient les chaînes marocaines et espagnoles. Il nous accueille avec chaleur dans son bureau où trône un poster immense de Frantz Fanon, l'essayiste martiniquais qui a longtemps vécu en Algérie, sur lequel est écrit : “Un peuple ne peut pas exister si jamais il n'arrive pas à produire sa culture dans laquelle il puisse s'identifier.” Ou un petit morceau de journal sur lequel est inscrit : “La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié.” Ces paroles reflètent pourquoi Abdou Ben Maâmar a patiemment récolté tout cela. “La mémoire de son pays”, dit-il. Dans cette mine d'or pour les historiens, on trouve des cassettes par thèmes sur l'histoire de l'Algérie, sur des personnages comme Rédha Malek, l'ancien membre de la délégation du FLN pendant les Accords d'Evian, ou Liamine Zeroual, ancien chef de l'Etat. Le fonds ne regroupe pas uniquement des documents sur l'histoire de l'Algérie, mais sur de nombreux pays. De la Bosnie aux Etats-Unis en passant par Israël. On aperçoit des films sur Patrice Lumumba, l'une des principales figures de l'indépendance du Congo, John F. Kennedy, l'ancien président américain, ou encore sur des évènements comme ceux qui ont secoué la France en mai 1968. Abdou a par ailleurs commencé la numérisation de ses vidéocassettes, mais avoue que “c'est un travail énorme et très coûteux”. À côté de ces vidéos, on peut apercevoir des dizaines de cartons de documentations composés de livres, d'articles de journaux et de photographies sur les différents présidents et personnages de toute nationalité, de Didouche Mourad, héros de la guerre d'Algérie, à Bertrand Delanoë, l'actuel maire de Paris, en passant par Mehdi Ben Barka, l'opposant marocain enlevé à Paris en octobre 1965. Aussi sur la triste journée du 17 octobre 1961 à Paris, sur les harkis ou sur les funérailles de Yasser Arafat, l'ancien président de l'Autorité palestinienne. D'ailleurs, au premier étage, on trouve deux pièces. L'une est dédiée au Moyen-Orient. Une photo de cheikh Yassine, le fondateur et dirigeant spirituel du Hamas, une couverture de magazine sur Saddam Hussein, ancien président irakien, ainsi qu'une sur Ariel Sharon, ancien Premier ministre israélien, habillent les lieux. Sur une table, on voit un tas de livres parmi lesquels ceux de Theodore Herzl, fondateur du mouvement sioniste, ou Claude Lanzmann, auteur de la Shoah. Dans l'autre pièce consacrée à la culture, on découvre des cartons sur les écrivains algériens, de Kateb Yacine à Yasmina Khadra en passant par Rachid Boudjedra, et sur les chanteurs algériens Idir, Aït Menguellet et Baâziz. Tout près, des piles de magazines français, le Point, le Nouvel Observateur, et des exemplaires de Paris-Match datant de 1957, dans lesquels on trouve des articles sur divers sujets. “Si un article m'intéresse, j'achète le magazine”, dit l'archiviste. On ne compte pas les livres d'histoire, d'historiens français spécialistes de l'Algérie comme Paul Balta, d'historiens algériens comme Mohammed Corso. Pour ce passionné, sauvegarder tous ces moments, c'est une manière de lutter. “C'est ma force, mais je commence à me fatiguer”, confie-t-il. “Si Abdelaziz Bouteflika crée une école sur l'écriture de l'histoire comme il l'a déclaré durant le ramadan, une vraie école, avec de vrais historiens, je léguerai tout ce que j'ai, je ne garderai que certains documents concernant la culture”, conclut-il. - Abdou Ben Maâmar, un archiviste, et Abdelkrim Abidat, président du Comité national des sympathisants avec le frère Abdelaziz Bouteflika, ont organisé mardi au centre culturel du palais du Raïs, Bastion 23, une exposition de photographies du président de la République et la projection d'un film consacré au 4e anniversaire de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les invités ont pu assister à une remise de médailles de l'ordre de la société civile à l'enfant de la journaliste Lilia Makhnachi, décorée à la place de sa maman décédée l'été dernier.