Certains de ces produits dérivés étaient jusqu'ici exportés, alors que leur mise sur le marché intérieur local aurait sans doute eu pour effet une baisse des prix au détail sans que cela nuise à l'équilibre financier nécessaire des entreprises. On le savait, les subventions accordées par l'Etat afin de soutenir le prix au détail de certains produits alimentaires, notamment ceux dits de large consommation, ne profitent pas qu'aux plus démunis. Tout le monde paie sa baguette de pain à 10 dinars et son sachet de lait à 25 dinars : le pauvre, le smicard, le milliardaire. Pourtant, le blé, la farine et la poudre de lait sont importés à prix fort. Une partie de ces importations va directement aux unités de transformation qui les achètent à un prix d'environ 50% moins élevé que leur prix réel. Celles-ci en tirent évidemment d'énormes dividendes, d'autant qu'elles consacrent une partie des quantités achetées à la fabrication de produits dérivés, tels que les pâtes alimentaires et le couscous, ou encore les fromages, les yaourts et autres qui, eux, sont cédés aux consommateurs à des prix libres sans rapport avec la subvention de l'Etat. Pis encore, certains de ces produits dérivés étaient jusqu'ici exportés, alors que leur mise sur le marché intérieur local aurait sans doute eu pour effet une baisse des prix au détail sans que cela nuise à l'équilibre financier nécessaire des entreprises. Le gouvernement semble donc se réveiller à l'urgence d'une remise en ordre d'un marché dont le fonctionnement ne manque pas d'incohérences. Cette mesure, qui consiste à interdire désormais l'exportation de denrées alimentaires fabriquées à base de produits importés par l'Etat et subventionnés grâce au Trésor public, va naturellement faire des mécontents, mais le gouvernement n'en a cure tant il s'agit, pour lui, d'un réajustement dont le but est de réorienter les enveloppes financières débloquées dans le cadre de sa politique de soutien des prix vers ceux qui en ont le plus besoin. Toutefois, une telle mesure ne suffira certainement pas à soulager réellement le budget des ménages. Car les vrais défis sont ailleurs : autant le marché, encore largement dominé par l'informel, a besoin d'une réorganisation générale à même de rendre plus facile la traçabilité des transactions, autant les salaires restent dramatiquement bas et autant la production locale demeure en deçà des besoins. Une telle situation, à elle seule, est de nature à déstructurer le marché, en dépit de toutes les mesures de rectification.