Le Président propose aux archs une espèce de “déclaration sur l'honneur” pour prouver leur attachement à l'unité nationale. Le dialogue, selon Bouteflika. Attendue depuis longtemps, la réponse publique du président de la République par rapport aux exigences contenues dans la plate-forme d'El-Kseur des archs a laissé les observateurs sur leur faim. À trop vouloir enrober une invitation au dialogue dans un emballage politique difficilement, sinon pas du tout cernable, il a fini par la discréditer. L'appel du Président en la matière est un chef-d'œuvre d'imprécision, de flou, voire de provocation. “Le dialogue ne concernera dans la plate-forme que ce qui ne porte pas préjudice à l'unité du peuple algérien et à l'intégrité de l'Algérie éternelle.” Mais, quelle est donc cette revendication de la plate-forme d'El-Kseur qui porte atteinte à l'unité nationale ? La Réplique de Abdelaziz Bouteflika suggère une chose : ses yeux n'ont apparemment jamais croisé les quinze points du fameux document, objet d'une médiatisation qui a dépassé largement les frontières de notre pays. Depuis Sétif, le Président a donc invité les animateurs du mouvement citoyen à ne pas accepter son invitation. C'est la principale lecture qui puisse être faite d'un appel truffé d'accusations et de provocations. D'une proposition indécente, qui pour pacifique qu'elle paraît, n'en est pas moins porteuse de germes détonants. Pourtant, le mouvement citoyen de Kabylie a largement fait étalage — si besoin est — de son attachement à l'unité nationale que Bouteflika lui-même n'a pas omis de souligner pour sa bonne cause. Par ailleurs, la deuxième session nationale du baccalauréat réclamée et obtenue par les archs en 2001 est, à elle seule, un cinglant démenti à tous ceux qui glosent sur un prétendu sécessionnisme kabyle. Abdelaziz Bouteflika y compris. C'est devenu, malheureusement, une manie criminelle chez nos gouvernants de se lamenter sur le sort de l'unité du peuple algérien qu'ils ont eux-mêmes soumis à un équarrissage par la force des turpitudes qu'ils lui ont imposées. Et, fait bizarre, les lamentations de ces “gardiens de l'unité nationale” se font uniquement quand il s'agit de la Kabylie. L'invite de Bouteflika aux archs s'inscrit, elle aussi, dans cette crainte, autant maladive que pathologique, d'un séparatisme kabyle. Comble du paradoxe, son Chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, a, lui, choisi un tout autre argumentaire pour convaincre “ses frères” des archs. Si Bouteflika éprouve une appréhension sur le sort de l'unité nationale, Ouyahia, lui, a loué “le nationalisme et le grand attachement des frères des archs à l'unité nationale” qu'il a salués pour leur position vis-à-vis de l'option de l'autonomie défendue par le MAK. Il y a manifestement une grille de lecture différente, voire contradictoire entre le Président et son Premier ministre à l'égard du mouvement citoyen. La version Ouyahia a le mérite d'être claire et sans détour. Sauf que ses interlocuteurs ont demandé un engagement plus haut. Mais le dialogue selon Bouteflika est trop biaisé. En plaçant cette hypothèque d'“unité du peuple” au-dessus des têtes de ses interlocuteurs, le Président reprend pratiquement de la main droite ce qu'il donne de la main gauche. Et il évite soigneusement de s'exprimer sur son acceptation de la plate-forme telle que réaffirmée par les archs, lors de la dernière Interwilayas à Amizour. Dès lors que les termes du débat sont clairs, pourquoi le Président s'encombre-t-il de ce genre d'incantations comme l'unité nationale prétendument menacée ? À moins que cet appel ne soit juste de la poudre aux yeux pour sauver les apparences. Pour cause, le constat est là, les autorités, et à leur tête Bouteflika, n'ont pas fait grand-chose pour régler la crise de Kabylie, 28 mois après son déclenchement. L'histoire est là pour nous rappeler cette politique de la carotte et du bâton faite de manipulation via l'ENTV, l'envoi de “médiateurs” dans cette région et, enfin, l'insoutenable dialogue-monologue version Allilouche qui aura mis à nu les procédés insidieux des autorités pour normaliser la Kabylie. Mais c'était compter sans la témérité et le sens du sacrifice de ces montagnards qui n'ont pas vocation à plier ni à répondre aux sirènes du pouvoir. Et ce n'est certainement pas ce chantage à l'unité nationale qui les fera précipiter au Palais du gouvernement. H. M.