“l'Etat veut se réapproprier les leviers principaux de la régulation économique”, a indiqué hier le président du Forum des chefs d'entreprise. M. Réda Hamiani a troqué son costume de chef d'entreprise contre celui de professeur pour expliquer aux étudiants de mastère 1 et mastère 2 de MDI-Alger Business School, lors d'une leçon inaugurale sur “l'environnement de l'entreprise et le climat d'investissement”, que “l'Etat est en train d'évoluer vers plus d'interventionnisme, vers plus de patriotisme économique, vers plus de politique sociale pour accompagner le développement et également vers cette croyance qu'on peut mener de front une politique libérale, à travers la libération des énergies, tout en mettant en selle progressivement et avec beaucoup de moyens financiers le secteur public”. La preuve : le renouveau que les pouvoirs publics veulent donner au secteur public. En matière de politique économique menée en Algérie, M. Hamiani parle de difficultés de mettre en œuvre une politique de stratégie industrielle. Le président du Forum des chefs d'entreprise rappelle que son organisation avait applaudi l'énoncé de la stratégie industrielle. “Malheureusement, cette stratégie industrielle n'a pu être mise en œuvre”, regrette-t-il. M. Hamiani a relevé le manque d'une vision stratégique. “Depuis 2001, nous avons une politique économique qui se définit annuellement mais d'une façon conjecturelle”, qui fait que les le gouvernement agit en pompier. Cette succession de lois de finances depuis 2001 ne remplace pas une véritable stratégie de développement. Le président du FCE évoque une conception étatiste du développement. “La croissance est alimentée par les dépenses publiques”, explique M. Hamiani, relevant “l'insuffisance de développement autocentré, généré par une croissance de richesses apportées par les entreprises”. En matière de climat des affaires, le président du FCE souligne d'abord le potentiel de croissance du marché algérien. C'est la variable qui attire le plus les entreprises étrangères. “L'Algérie représente un marché à très fort développement”, indique-t-il. “Les entreprises étrangères gagnent beaucoup d'argent en Algérie, par le niveau de la demande et par l'importance des besoins”, a précisé M. Hamiani. Sur les autres aspects de l'environnement économique, le tableau est moins rose. Le système bancaire, tout en ayant fait des progrès, n'arrive pas à accompagner le développement et suivre les attentes des opérateurs économiques qui se plaignent que les banques restent très frileuses et très réticentes pour assurer la promotion de leur activité. Le président du Forum des chefs d'entreprise évoque aussi la pénurie de terrains et de locaux ainsi qu'une bureaucratie, très pesante, qui n'est pas en phase avec le besoin de développement et les attentes des citoyens. Le préposé au guichet prend plus la posture d'un gendarme ou d'un censeur que d'un accompagnateur ou d'un partenaire économique. L'administration est un frein au développement, limitant les initiatives. Le président du FCE parle, par ailleurs, de ressources humaines qualifiées comme un autre facteur limitatif. Du côté des acteurs économiques, le secteur public, depuis une vingtaine d'années, n'arrive pas à sortir du cercle de politique de restructuration permanente. Le secteur privé, de son côté, n'arrive pas à trouver ses marques. Le taux de croissance des entreprises reste relativement faible. 30 000 entreprises seulement sont créées annuellement. Il en meurt entre 5 et 10 000 entreprises. Le secteur privé est trop émietté et trop faible. Et, enfin, le bilan en matière d'investissements étrangers est décevant. Il n'y a pas eu de transfert de technologie. Et il n'y a pas eu d'impact en termes de poussée de croissance. “Notre pays est à la croisée des chemins”, souligne le président du Forum des chefs d'entreprise. “Il faut sortir de la rente, d'une économie où l'Etat est omniprésent et où la variable principale est l'exportation du gaz et du pétrole. Il faut que l'économie algérienne puisse se diversifier et se renforcer pour prendre sa place qui est la sienne dans un monde où la création de richesses se mesure au nombre de création d'entreprises, au nombre de produits fabriqués et exportés et non pas uniquement au baromètre lié à la pluviométrie et au baril du pétrole”, a-t-il conclu.