1ere partie -Comment as-tu fait pour te retrouver là ? La question du gardien fait rougir Wassil. Mais il devient aussitôt pâle, des larmes brillent dans son regard. Il regrette tant même s'il sait que les regrets et les remords ne pourront rien changer au passé. En plus d'être un voleur, il a été un taxi commun. Durant des années, il consommait des drogues douces, tout ça pour oublier sa triste vie. Enfant de parents divorcés, il n'a jamais supporté d'avoir à choisir entre eux. Aussi, bien que tous deux ont refait leur vie, ils l'ont toujours utilisé pour se faire du mal. Mais c'est lui qui en a le plus souffert. Après une enfance à aller et venir entre ses deux familles, il n'avait plus eu la force de les supporter. Alors il était parti chez un ami à Alger. Ce dernier, il l'avait rencontré dans une pharmacie alors qu'il achetait une boîte de tranquillisants. Kader avait deviné qu'il était dans une période difficile. Plein de sollicitude, alors que c'était un geste calculé, il lui avait proposé de passer quelques jours chez lui. Wassil, touché, n'a pas refusé. Durant des semaines, Wassil mène la belle vie. Kader l'emmène en boîte, lui offre de beaux habits et lui donne même de l'argent de poche. En repensant à tout ça, Wassil a un sentiment de révolte. Combien il a été naïf de croire en lui, de le considérer comme un bienfaiteur ! Mais sa jeunesse l'excusait. Il n'avait que dix-sept ans. Lorsque Kader lui a demandé de lui rendre service, il n'a pas voulu être ou paraître égoïste et mauvais. Ne pas lui être redevable l'aurait poussé à le mettre dehors. Wassil savait alors que seule la rue l'aurait attendue. Par reconnaissance et par crainte, il n'avait pu faire autrement que de lui rendre service. Kader lui avait remis quelques appareillages à vendre. Dès le premier jour, Wassil s'est fait surprendre par une patrouille de police avec sa marchandise en mains. Tout de suite après, il s'est retrouvé au commissariat ; ce qu'il ignorait alors, c'est que le propriétaire de la marchandise s'était plaint. Kader lui avait menti, lui disant qu'un copain les lui avait revendus. Wassil a payé pour eux, condamné à trois années de prison. Kader s'était volatilisé dans la nature. L'appartement qu'ils occupaient ne lui appartenait pas, tout comme ce qui s'y trouvait, les meubles, le salon, la belle vaisselle. Wassil, après toutes ses années se demande pourquoi il ne s'était pas rendu compte que tout ce qui les avait entourés, n'était qu'illusions. Kader en plus d'être un menteur était un bon comédien. Sinon il n'aurait pas abusé Wassil aussi longtemps… Wassil n'aurait pas été aujourd'hui en prison à payer pour lui. Parfois il s'en voulait à mort d'avoir été naïf. Il aurait dû se douter que tout ce qui brillait autour de lui était qu'artifice. Kader l'a bien eu. - C'était moche ce que tu as fait ? demande le gardien. - Je n'ai agressé personne… Je me suis seulement fait avoir en allant vendre de la marchandise volée, répond Wassil. L'argent n'était même par pour moi. - Tu en as encore pour longtemps ? l'interroge-t-il en le regardant fixer le soleil. - Quelques semaines, murmure le jeune homme. Le temps juste pour ne pas devenir fou ! Il lui reste tout juste cinq semaine avant d'être libéré. L'espoir lui donnait assez de force pour ne pas céder à la pression faite par d'autres détenus qui le savait proche de sortir de prison. Et c'est aussi l'espoir qui le pousse à écrire des lettres à sa famille. En attendant leurs réponses, il prie Dieu de lui venir en aide. Ces derniers jours lui ont paru encore plus longs qu'avant. Il se demande s'il pourra tenir le coup longtemps. A. K. (À suivre)