Il y a un an, au soir du 4 novembre 2008, l'impensable s'est réalisé au pays de George Washington et d'Abraham Lincoln : un jeune sénateur noir, Barack Obama, accédait à la magistrature suprême en qualité de 44e président des Etats-Unis d'Amérique. Depuis l'engagement des primaires, un an plutôt, jamais peut-être une élection américaine n'avait autant polarisé sur elle l'attention de la planète, qui en a suivi les péripéties et les rebondissements grâce aux nouvelles technologies de l'information. Lorsque le sénateur de l'Illinois avait fait acte de candidature aux primaires démocrates, personne ne donnait pourtant cher de sa peau face à la toute puissante Hillary Clinton, alors au sommet de sa popularité. Pas même au sein de la minorité noire tentée de voter utile, tant les chances de succès d'Obama paraissaient insignifiantes et son élection difficilement envisageable, même pour les plus optimistes. Dans un pays où l'abolition de l'esclavage a coûté une longue et meurtrière guerre de sécession, où la ségrégation raciale reste un fait social et culturel établi, où les Noirs n'ont obtenu le droit de vote qu'au milieu des années 1960 sous la présidence de Lyndon Johnson, l'élection de Barack Obama a été un évènement historique, vécu en tant que tel aussi bien aux Etats-Unis que dans le reste du monde. Les larmes du pasteur noir Jesse Jackson, qui n'a pu maîtriser son émotion à la première apparition du nouveau président élu, en témoignent comme une convocation de la mémoire et comme l'invitation du fantôme d'un autre pasteur noir, Martin Luther King, dont le combat civique venait de connaître l'improbable aboutissement. D'aucuns pensaient alors, sans doute trop vite, assister à l'avènement d'une Amérique post-raciale, qui allait opérer sa mue à l'intérieur et recentrer ses relations avec l'extérieur. En tout cas, l'image fortement dégradée par huit ans d'administration Bush de la première puissance mondiale bénéficiait d'un lifting instantané et les discours successifs de Barack Obama autorisaient de telles espérances. Près de dix mois après son investiture à la Maison-Blanche, le bilan de sa présidence est pourtant mitigé et son influence est en recul constant. Non pas que le nouveau président ait failli à ses promesses électorales, mais son élection a suscité trop d'attentes et, en Amérique comme dans le reste du monde, l'enthousiasme a quelque peu masqué l'ampleur des obstacles et la réalité des résistances et des oppositions. À l'intérieur comme à l'extérieur, tous les chantiers qu'il avait annoncés sont mis en œuvre, dans le strict respect des orientations qu'il avait dessinées. Mais les résultats tangibles tardent à se manifester et, très vite après son investiture, il a essuyé un premier échec annonciateur de probables et prochaines déconvenues. Cela est passé peut-être inaperçu parce que sans conséquences matérielles immédiates, mais l'incapacité de Barack Obama à faire dépasser les clivages partisans à ses concitoyens, matérialisée par le refus des républicains de voter son plan de sortie de crise au début de son mandat, battait en brèche les fondements même de son approche et de sa démarche. La nomination de républicains à des postes névralgiques de son administration, à l'instar du secrétariat à la Défense, n'aura pas suffi à obtenir l'union sacrée si espérée et si nécessaire à la mise en œuvre et au succès de son programme. Pire, le président américain éprouve des difficultés et rencontre des résistances dans son propre camp. Aussi, après l'extraordinaire fascination qu'il a exercée à travers le monde entier, Barack Obama est-il en train d'entrer graduellement dans la peau d'un président américain comme un autre ? Et le prix Nobel de la paix qu'il a obtenu contre toute attente et sur fond de controverses ne peut rien y changer. Bien au contraire…