L'Algérie tremble ! Moubarak est en colère. Le président égyptien a mis en marche toute sa machine médiatique, politique et artistique pour laver l'humiliation de Khartoum. L'affront que lui a infligé l'Algérie sur le terrain, sensible, du leadership arabe. Rappel de l'ambassadeur égyptien pour consultations, appel de boycott artistique, demande d'indemnisations des entreprises égyptiennes touchées ou menaces d'aller auprès des cours de justice internationale, Le Caire a perdu son sang-froid après l'élimination de l'Egypte de la Coupe du monde. Pour comprendre ce cirque mis en branle aux pieds des pyramides, il faut se mettre à la place d'un Moubarak, père et fils, que l'élimination footballistique a fragilisés et que la riposte algérienne à Khartoum risque d'anéantir politiquement. Jusqu'à ce 18 novembre, Hosni Moubarak convenait du fait que le président Bouteflika pouvait être un leader arabe à la puissance encombrante sur la scène régionale. Mais pas au point de lui contester son rôle “autoproclamé” de leader du monde arabe. Un rôle qui rapporte gros au Raïs égyptien entre les aides militaires américaines, les contrats gaziers avec Israël, une position dominante dans les instances régionales dont la Ligue arabe, l'OCI ou même la CAF, une aura de négociateur incontournable dans les conflits entre Palestiniens et Israéliens, mais surtout cette facilité à tenir d'une main de fer la rue égyptienne lassée par trente ans d'une dictature tolérée par les Occidentaux. Il a suffi d'un but d'Antar Yahia pour que tout cela vole en éclats et lézarde l'édifice fragile de la structure du pouvoir égyptien. Car la prévoyante Egypte avait tout calculé sauf l'étendue de la riposte algérienne. Entre les propos conciliants d'un Djiar, instruit d'Alger pour calmer les choses après l'agression du bus des Verts au Caire, et l'extraordinaire mobilisation de l'Etat algérien qui a débouché sur l'envoi de plus de 30 000 Algériens à Khartoum, il ne s'est passé que 48 heures. Durant ces deux jours, l'Egypte, forte de son avantage psychologique obtenu par une campagne féroce de déstabilisation, n'a rien vu venir. Ni la vexation du pouvoir algérien qui a cru trop naïvement que Moubarak allait jouer le match sans y mêler d'enjeu politique. Ni encore la colère qu'a provoquée la haine égyptienne au sein de la rue algérienne. Le président égyptien, dont le plan était de mettre la qualification comme un des arguments de campagne pour son fils, Gamal, avait préparé son coup. Ses hommes de main, dont le président de la FEF Zaher, ne pouvait que l'appliquer. Comme d'habitude, dans ce genre de match au Caire, l'adversaire allait être mis sous pression, malmené, humilié et achevé sur un terrain de football grâce à un arbitrage partial et un jeu de coulisses dans les arcanes du football international. La tournure des événements lui a donné raison. Les protestations timides de dirigeants algériens et le fait qu'Alger minimise l'incident allaient permettre aux Egyptiens d'exécuter leur plan. Reste que, cette fois-ci, le complexe de supériorité des Egyptiens allait provoquer l'irréparable. Piqué au vif, le président Bouteflika en fait une affaire quasi personnelle. Des Algériens maltraités, une chasse à l'homme dans les rues du Caire, des bastonnades et une défaite subie dans un contexte dantesque allaient précipiter les choses. Alger réagit comme il se doit et n'accepte pas l'humiliation de trop. Pont aérien, promis d'abord par les Egyptiens, concrétisé par les Algériens et mobilisation populaire sans égale. Le match de la rue a été gagné par Bouteflika qui a donné une leçon de pragmatisme à un président égyptien imbu de son statut et submergé par l'émotion égyptienne. De ce point de vue, Hosni Moubarak a connu une défaite personnelle dont il aura du mal à s'en remettre. Aucun président arabe, avant Bouteflika, ne lui avait fait subir un camouflet de cette ampleur. Les Egyptiens comparent même cela à leur défaite face à Israël sur le terrain militaire. Ils oublient seulement que le MAE algérien de l'époque était un certain Abdelaziz Bouteflika, ainsi que les centaines de militaires algériens morts au champ de bataille en affrontant l'armée israélienne, alors que les soldats égyptiens fuyaient tels des lapins. Comme à Khartoum.