Les spécialistes présents au séminaire étaient unanimes à dire que la notion de “droit et justice” souffre de défaillances et de non-application. Le département de droit de l'université Abou-Bekr-Belkaïd de Tlemcen a organisé, durant deux jours, mardi et mercredi derniers, un colloque intitulé “Droit et justice” avec la participation de professeurs et spécialistes de la question représentant les universités de Sidi Bel-Abbès et Boumerdès, ainsi qu'un invité de l'université de Tunis. Les conférences présentées à cette occasion devant un auditoire formé d'étudiants en droit ont porté sur divers thèmes : “À la recherche du juge indépendant” (docteur Karadji Mustapha, Sidi Bel-Abbès), “La contractualisation du procès” (professeur Bouazza Diden, Tlemcen), “La notion de justice et l'autonomie du droit des marchés” (docteur Mzoughi Chaker, Tunis), “Quelques regards extérieurs sur le droit et la justice en Algérie” (professeur Benhamou Abdellah, Tlemcen), “Le juge administratif algérien et le traitement de l'affaire fiscale” (docteur Denideni Yahia, Boumerdès) et, enfin, “La notion de justice en débat sur la décriminalisation du droit pénal des affaires en vue de son renouveau : quels intérêts à protéger” (professeur Kalfat Choukri, Tlemcen). Ce dernier, ancien doyen de la faculté de droit à l'université Abou-Bekr-Belkaïd de Tlemcen de 1980 à 1984, puis de 2007 à 2008, a souligné à propos de ce colloque que “le thème en question, qui est récurrent dans les pays du Maghreb, est relatif au droit et à la justice puisqu'il y a le sentiment général que ni l'un ni l'autre ne remplissent bien leur mission dans un cadre objectif. Seulement la notion de justice est multiforme et fait appel à un certain nombre de notions qui, bien entendu, sont différentes les unes des autres puisque l'on peut parler de justice sur un plan institutionnel comme on peut parler de la justice sur un plan des fonctions, mais il y a la aussi un aspect de la justice sur un plan philosophique, moral et, enfin, juridique. Evidemment, dans ce colloque, on a notamment insisté sur la non-applicabilité du droit dans son fonctionnement objectif et légal puisqu'il y a un certain nombre de défaillances”. Il a ajouté que “ces défaillances ont été rappelées dans cette perspective analytique qui a été faite par le premier intervenant concernant l'aspect sociologique, politique, un certain nombre de raisons et de causes qui militent en faveur de cette non-applicabilité du droit et de la justice puisque le but visé du droit reste quand même un élément fondamental de la notion de justice dans son sens le plus large”. “Je pense, a souligné M. Kalfat, que deux phénomènes restent importants, l'aspect plus spécifiquement anthropologique de nos pays du Maghreb, d'une part, et l'aspect politique, d'autre part. L'aspect anthropologique et historique en même temps nous situe dans une perspective de conflits entre les traditions et la modernité.” Aujourd'hui, souligne le professeur Kalfat, qui est également avocat, “le conflit se trouve avec le modernisme”. Et de rappeler que “l'article 1 du code civil va faire valoir une hiérarchie des valeurs en matière de normes applicables, c'est-à-dire, d'abord la loi, et si la loi n'existe pas, c'est le droit musulman, si ce dernier ne répond pas à nos préoccupations, on va faire appel aux coutumes, et si la coutume n'est pas là pour répondre à nos aspirations, il y a, en dernier recours, le droit naturel et la notion d'équité. Le droit pénal algérien est différent. L'article 1 se fonde sur le principe de "il n'y a pas de crime ou de délit ou mesure de sûreté sans loi". Mais la nécessité de la loi sollicite une éducation, un aspect psycho-pédagogique, et là, le conflit entre la culture qui est ancestrale de la "assabia" ne s'adapte pas à la réalité de loi. C'est pourquoi, il y a un aspect réfractaire de la croyance en l'application de la loi dans les pays du Maghreb, d'autant plus que les causes sont historiques”. Au cours des deux jours de travaux, les juristes ont émis un certain nombre de recommandations, dont “la nécessité de procéder à l'actualisation des textes de loi afin qu'ils soient en harmonie avec les nouvelles donnes de la société” et mis en évidence “l'importance de l'intervention du pouvoir législatif, pour combler les vides juridiques dans certains textes de loi et afin d'offrir une protection effective aux justiciables”.