De nouveau le bras de fer entre l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et les pays occidentaux à propos de la question de la diffamation des religions: les pays musulmans membres des Nations unies avaient déjà essayé de faire adopter cette notion, au nom de la lutte contre l'islamophobie, lors de la conférence des Nations unies sur le racisme dite “Durban II”, qui s'était tenue en avril à Genève. Mais les Etats-Unis et l'Union européenne avaient dit non au nom du principe de la liberté d'expression. Les 56 membres de l'OCI ne se sont pas avoué vaincus. L'organisation panislamique revient à la charge en confiant le soin à l'Algérie et au Pakistan, notamment de poursuivre la bataille au sein du comité spécial du Conseil des droits de l'homme pour faire adopter à son niveau le texte sur la diffamation des religions. La bataille est d'autant plus âpre que si ledit comité reconnaissait la nécessité d'un traité “pour protéger les religions”, cela laissera la voie ouverte pour l'élaboration d'un protocole international qui sera in fine soumis à l'assemblé générale de l'ONU. L'OCI est persuadée que son exigence a des chances d'aboutir dès lors que ses membres n'ont pas abandonné la partie en dépit du refus des Occidentaux et de leurs pressions. En outre, les pouvoirs musulmans croient dur comme fer que le temps joue en leur faveur ! Certains vont jusqu'à penser que le discours d'Obama au Caire, dans l'enceinte d'Al-Azhar, sur la coexistence religieuse et son clin d'œil à propos de la religion de son père, un Kenyan de confession musulmane, et de son séjour en Indonésie, le premier pays de l'islam en termes de croyants, est un encouragement pour une loi interdisant le blasphème ! Ils ont vu tout faux : l'administration du premier président noir des Etats-Unis et son petit zeste d'islam, comme l'en accusent ses détracteurs, des racistes de tous poils dans son propre pays et des éléments ultras de lobbys juifs, a fait savoir qu'elle refuserait tout traité international contraire au premier amendement de la Constitution américaine garantissant la liberté d'expression. Obama a même dépêché un haut diplomate à Genève pour faire avorter le projet de l'OCI. Un président aux Etats-Unis n'a pas les mains libres comme ses homologues du monde islamique. Ce n'est pas un atome libre. L'ex-président Bush-junior en a fait les frais, il a terminé lamentablement son second mandat pour avoir foulé les fondamentaux de son pays. Pour l'heure, le débat de Genève n'a pas l'air de brancher les populations musulmanes. Mais il risque de raviver le ressentiment de 2005 contre les pays occidentaux, lorsque fut publiée la douzaine de caricatures du Prophète Mohammed (QSSSL) dans un journal populiste danois, ce qui avait déclenché des manifestations violentes dans une partie du monde musulman ainsi que des attaques contre des ambassades occidentales, notamment au Liban, en Egypte, en Iran et en Indonésie. L'Occident a tenu ferme et ses journaux avaient alors reproduit ces caricatures blasphématoires, au nom de la démocratie et de la liberté de la presse. Aujourd'hui, retour au dialogue de sourds ? Outre le refus des Etats unis, l'UE, selon la Suède — qui en assume la présidence — s'opposera à toute tentative de limiter la liberté d'expression. Pour les démocrates, les religions en tant que telles ne possèdent pas de droits, ce sont les peuples qui possèdent des droits. Et en vertu de ces considérations, un traité international contre la diffamation des religions nuirait aux efforts des musulmans et occidentaux pour trouver un terrain d'accord sur les droits de l'homme. L'OCI, de son côté, juge que l'attaque des croyances sacrées et la diffamation des religions, des symboles religieux, des personnalités et des dogmes, contrarie la jouissance des droits de l'homme des adeptes de ces religions. Pour l'Algérie, il doit y avoir un équilibre entre la liberté d'expression et le respect des autres et la limite est franchie quand on prend le symbole de toute une religion pour le représenter en terroriste (faisant référence aux caricatures danoises). L'ambassadeur algérien Idriss Jazaïry, qui préside le comité spécial de Genève pour les normes complémentaires, soutient que rejeter la proposition de l'OCI renforcerait les extrémistes dans le monde arabe. Si l'on continue à nous dire qu'on ne peut rien contre l'islamophobie, alors qu'on peut faire quelque chose contre l'antisémitisme, c'est la porte ouverte au recrutement de kamikazes, a-t-il averti.