Suite à l'agression d'un jeune par un gendarme, la population de Ouled Rechach a investi la brigade. Bilan : des dizaines de blessés dont le chef de groupement de gendarmerie. La nuit de dimanche à lundi a été houleuse dans la région de Khenchela, plus précisément dans la localité de Ouled Rechach, située à 16 km du chef-lieu de la wilaya. Ouled Rechach. Dimanche. Il est 21 heures passées de quelques minutes. La majorité de la population est dehors à la recherche d'une brise de vent “charqui” à même d'adoucir cette soirée d'été où le mercure a dépassé de loin la barre des 40 degrés. Soudain, le véhicule d'un jeune qui voulait stationner devant un café, bondé de monde, a percuté celui d'un autre automobiliste. Ce dernier, qui s'avéra être le chef de la brigade de gendarmerie de Ouled Rechach et selon des témoins oculaires, corrigea sur place le jeune conducteur, en le giflant violemment. Quelques minutes plus tard, l'information fait le tour de Zoui. Le geste du chef de brigade est perçu autrement qu'un fait divers dans cette partie d'une Algérie profonde qui ne peut plus continuer à supporter le mépris, l'arrogance et la hogra qui émanent des symboles d'un système dont la seule arme est la répression. S'en prendre à un jeune, en public, parce qu'on est protégé par l'immunité de l'uniforme, alors que les accidents de la route sont régis par des procédures allant du constat de la faute jusqu'à la sanction est “la ligne rouge” que certains gendarmes de la ville ont fini par franchir. La population a d'autant plus de mal à contenir sa colère que le gendarme en question a même insulté les tribus de la région au moment où il commettait son forfait, selon des témoins joints, hier, au téléphone. Tel un ouragan, une masse humaine, composée de petites gens venues défendre l'honneur souillé d'un des leurs et armées qui, de barres de fer, qui de pierres, se dirigea vers la brigade de gendarmerie. Les émeutiers ont investi le siège de la brigade avant de démonter carrément la porte d'entrée qui a eu du mal à résister au poids de la marée humaine et devant la haine de l'uniforme vert des gendarmes, cultivée depuis des mois et déchargée cette nuit-là. Ils occupèrent les lieux en saccageant tout ce qui se trouvait sur leur chemin. Les vitres sont prises d'assaut par des jets de pierres. Le chef de brigade est rattrapé par une partie de la foule qui s'acharna sur sa personne. Au même moment, une autre partie de la foule, barricada les accès de la ville, notamment la route menant vers Khenchela et Tébessa, afin de ralentir l'arrivée des renforts. Selon des témoins, les émeutiers scandaient des slogans hostiles au pouvoir comme “Pouvoir assassin” ou “Bouteflika barra” (dehors). Aux coups de 22 heures, avec l'arrivée des renforts dépêchés de la ville de Khenchela, la localité de Ouled Rechach, enveloppée d'un nuage de fumée que dégagent les pneus et autres objets incendiés, est devenue un véritable front de guerre. Gendarmes et CNS tentèrent de “sécuriser” le siège de la brigade et ses alentours. C'est alors une véritable guerre des rues qui secoua Ouled Rechach. Le bruit des détonations se mélange aux sirènes des ambulances, aux cris de douleur et même de triomphe ainsi qu'aux klaxons des véhicules. Les blessés, qu'ils soient émeutiers ou membres des forces de l'ordre, sont évacués aux urgences par les ambulances ou tout autre moyen de transport. Selon une source hospitalière, des dizaines d'habitants de la localité ont été admis aux urgences. Au même moment, une vingtaine de gendarmes et de CNS ont été blessés. Parmi eux, dix ont nécessité une prise en charge médicale “sérieuse”. Une source proche des services de sécurité a confirmé la blessure du chef de groupement de gendarmerie de la wilaya de Khenchela lors de ces émeutes. Toutefois, elle a justifié le nombre élevé des blessés par le non-recours des forces engagées dans le rétablissement de l'ordre à d'autres munitions que les bombes lacrymogènes ! Une dizaine de personnes a été interpellée. Toujours selon notre source, le chef de la brigade de la gendarmerie de Ouled Rechach a été suspendu de ses fonctions et son dossier a été transféré au tribunal militaire. Au même moment, une commission d'enquête, dépêchée de Ali-Khodja, assistée par l'inspecteur régional, a entamé son travail à Khenchela. Selon des témoins, le wali de khenchela s'est déplacé à Zoui, lorsque les émeutes ont atteint leur paroxysme, et tenté de convaincre les protestataires de revenir à de meilleurs sentiments. Il serait intervenu auprès des services de sécurité pour libérer les manifestants arrêtés, une des exigences de la population qui a également réclamé le départ du chef de brigade à l'origine de leur colère. Hier, en début d'après-midi, un calme précaire est revenu dans ces lieux nichés dans les fameuses montagnes auressiennes. Un calme “arraché” après un grand effort déployé par des personnalités locales qui ont réussi à convaincre la population de cesser les émeutes contre une série de promesses. La plus importante est de punir le gendarme fautif avec, comme signe de bonne volonté, la présentation à la presse et dans les meilleurs délais, des résultats de la commission d'enquête. Cette dernière, nous a-t-on dit, est menée conjointement par une équipe dépêchée par le commandement national et un inspecteur du commandement régional de Constantine. M. K.