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La gifle qui réveille la colère
Retour sur les émeutes qui ont ébranlé khenchela
Publié dans Liberté le 30 - 07 - 2003

Ouled Rechach (ou Zouïe comme préfèrent l'appeler ses habitants) a relativement retrouvé son calme habituel, après deux jours mouvementés, frappés du sceau de la colère. Rappelons, en effet, que cette localité qui se trouve à 25 kilomètres de Khenchela (plus de 500 bornes à l'est d'Alger), a connu un véritable sursaut populaire dans la nuit de dimanche à lundi. Les péripéties de ce soulèvement ont été largement rapportés dans notre édition d'hier. Mais il ne serait pas inutile de rappeler les faits. Nous sommes dans un petit café de la ville, appelé Qahouat Essoufi. Un jeune du village, Madani sahraoui, environ 28 ans, saute dans sa voiture, une Peugeot 505. Il manœuvre pour faire marche arrière et là, il heurte la voiture du chef de la brigade locale de la gendarmerie (dont, curieusement, tout le monde affirme ignorer le nom, même les services de la police). Fou furieux, l'adjudant-chef de brigade, sort de sa voiture, une Mégane, et se font sur le jeune infortuné. Il le couvre d'une bordée d'insultes avant de lui asséner une gifle. Cela s'est passé vers 19h. Les deux hommes venaient de sortir dudit café, après avoir pris des rafraîchissements, chacun de son côté.
C'était la gifle de trop. La goutte qui fera déborder un vase plein à ras-bord de rage et de ras-le-bol. Blessé dans sa dignité, Sahraoui Madani alerte sa “tribu”, entendre ses cousins. Ceux-ci envahissent la place principale, aux abords de la mairie, et commencent à chahuter en criant halte à la hogra. L'incident fait vite le tour de cette petite ville de 29 000 âmes. Et très vite, ils voient leurs rangs grossir pour former une véritable protesta. S'ensuit une explosion populaire sans précédent, conduite par les jeunes du village. Les émeutes éclatent telle une traînée de poudre. C'est le temps des barricades. Des pneus sont allumés aux accès de la ville ; des pierres et des gravats sont disposés en travers de la route. Puis, à la marée déchaînée de se diriger vers la brigade locale de la gendarmerie, nichée dans une impasse. Les manifestants lapident les hommes en vert. Au passage, ils tentent de défoncer le portail principal. Sans succès. Néanmoins, ils cassent quelques vitres.
Les gendarmes ripostent à grands tirs de grenades lacrymogènes. Mais pas une balle réelle ne sort de leurs fusils (sauf tirs de sommation ?). Cela ne manquera pas de faire quelques blessés parmi les manifestants. Officiellement, la sûreté de daïra de Ouled Rechach parle de deux blessés, côté jeunes. “Des asthmatiques !”, précise le chef de sûreté de daïra par intérim qui, par acquis de conscience, téléphone devant nous à la polyclinique du village pour nous confirmer le bilan officiel des admis ce soir-là. Les manifestants, eux, parlent d'un bilan moins “sympathique”. “Il y a un jeune qui a la mâchoire fracassée par une bombe lacrymogène”, affirme Djamel Smaâli, président de l'association culturelle Igouder (Les aigles). “Dans les maisons situées près de la brigade, il y a eu des bombes lacrymogènes qui ont étouffé les bébés, les enfants et les personnes âgées”, ajoute-t-il. Les manifestants parlent, par ailleurs, de personnes embarquées dans la foulée – et la folie – des affrontements. “Il y a eu exactement 24 jeunes arrêtés. Il y avait une pléthore de CNS”, dit Djamel. “Faux !”, rétorque le chef de la sûreté de daïra. “Il n'y a eu aucune personne arrêtée par les gendarmes, encore moins par nos services”, soutient-il mordicus. “Nous entretenons d'excellentes relations avec la population”, s'empresse de préciser l'officier de police. Une compresse imbibée de vinaigre sur le bureau, il nous suggère : “Pour tout arme, voilà de quoi nous disposons”. Puis, il nous fait visiter le parc auto du commissariat où on ne voit qu'un seule voiture orpheline. “Nous n'avons pas besoin d'un attirail de guerre. Comment voulez-vous qu'on ramène des CNS ? Ce qui s'est passé est un épi-événement grossi par la presse. Au plus fort des manifs, mes éléments étaient au milieu des émeutiers, et ils n'ont pas eu le moindre problème avec les jeunes, c'est vous dire…”
Côté gendarmes, il y avait, en revanche, une bonne fournée de fourgons dans le parking. Mais les éléments de la brigade, même s'ils paraissaient mobilisés, n'étaient pas plus stressés que cela. Pourtant, dans la nuit de lundi à mardi, les émeutes ont encore éclaté. Et re-grenades lacrymogènes. Cette fois, les manifestants ont vite été dispersés.
Zouïe, le réveil
Pour en revenir maintenant à l'événement lui-même, force est de constater, en nous promenant dans les rues de ce paisible village, que les émeutes ont vite évolué en termes d'agenda. Ce n'est plus du gendarme faisant son esbroufe qu'on parle, mais plutôt d'un thème plus large : la hogra. La marginalisation. L'iniquité dans la distribution des richesses de ce pays. Un peu comme si, ce dimanche soir, les Ouled Rechach s'étaient brusquement réveillés avec le sentiment d'avoir trop encaissé, et qu'ils ne voulaient plus que les choses continuent comme avant.
D'ailleurs, du gendarme, pas grand-chose à dire. L'adjudant-barbeau passe même pour quelqu'un de “correct” dans l'ensemble, même s'il avait son côté “pas très net”, selon quelques langues moins scrupuleuses. Quoi qu'il en soit, on retiendra quelques méfaits colportés par l'opinion locale sur les agissements de certains représentants de l'ordre. “Même à supposer que ce jeune ait maladroitement endommagé sa voiture, l'adjudant n'a qu'à faire son constat comme tout le monde. Au lieu de cela, il s'est permis de le corriger en public. Qu'un flic ou un gendarme tance un gosse pour l'amener à ne plus fumer du kif, nous sommes tout à fait d'accord. Mais il faut voir comment certains hommes en uniforme se conduisent ici !”, fait remarquer un citoyen qui en avait gros sur le cœur.
Du reste, il faut savoir que l'affaire a vite été tassée. Le soir même où les émeutes avaient éclaté, le wali avait fait le déplacement dans une tentative de calmer les esprits chagrins. Il est accompagné du chef du secteur de la gendarmerie nationale à Khenchela, ainsi que d'un commandant du DRS. Le lieutenant-colonel chef de secteur se mêle même aux manifestants pour dire combien l'institution qu'il représente se démarquait totalement des agissements de son lointain subalterne. La décision ne tarde pas à tomber : le brigadier est suspendu de ses fonctions et présenté devant le parquet militaire de Constantine. Une commission a été mise sur place pour statuer en référé sur cette affaire. Hier, le jeune Madani Sahraoui a été entendu à Constantine par ladite commission, de même que certains témoins, dont le propriétaire du café Essoufi.
Nous le disions : la bourde du brigadier n'était que la gifle de trop. Et les jeunes ne s'y sont pas trompés. Hier, ils sont passés à la vitesse supérieure. Ils ont constitué une sorte de comité et ont “désigné” des portes-paroles. Ainsi, vers 18h, un rassemblement a été improvisé près de la place des Martyrs, et une plate-forme de revendications était déjà tapée et prête à être envoyée en plusieurs copies, qui à Bouteflika, qui à Ouyahia, qui à Zerhouni… Fait édifiant : à aucun moment, dans le texte de la plate-forme, il n'est fait mention de l'incident “anecdotique” qui a déclenché la protesta. Voici plutôt ce qu'on trouve dans le libellé de ces revendications citoyennes, lues en public par Djamel Smaâli (sorte d'Abrika en herbe) : “La commune de Ouled Rechach a été l'oubliée du programme de relance économique initié par le chef de l'Etat. Notre commune est un triste foyer de misère, accusant un pic ahurissant de pauvreté. Nous revendiquons pour notre population : le gaz de ville, l'eau, l'électricité, les réseaux d'assainissement, une structure de santé, un quota pour nos chômeurs dans les compagnies pétrolières, dans les coopératives de jeunes ainsi que le filet social, l'équipement du CFPA, l'éradication des bidonvilles, et l'enseignement de tamazight”.
Car n'oublions pas qu'ici, nous sommes en territoire chaoui où le berbère est langue maternelle. C'est aussi, faut-il le rappeler, le terreau de la Révolution. Pourtant, cette commune où chaque maison compte au moins un martyr n'a rien récolté. Mais cela est une autre histoire. Nous y reviendrons…
M. B.


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