Dans Kourougha, rien ne va plus. Cette ville imaginaire, mais éminemment algérienne, repaire de tous les vices, de toutes ignominies et de toutes les bassesses, est secouée encore une fois par un attentat. Un prétexte intéressant qui permet à l'auteur d'installer son lecteur dans la ville de Kourougha et des individus qui la peuplent. Ces derniers sont à la fois désaxés, désorientés, incompris (même par eux-mêmes), indécis, imprécis, dispersés et violents. Terriblement violents et horriblement seuls. Sofiane, le personnage principal, n'a pas plus de mérite que les autres habitants de Kourougha ; il est juste un peu plus lucide. Il se place dans le confort de l'attente et se réfugie dans le cynisme, en attendant de trouver sa voie. Sofiane aime incommensurablement sa mère, déteste son père, travaille à la vidéothèque Gosto, qui lui permet de vivre pleinement sa passion : la musique. Il croise quotidiennement la détresse des habitants de Kourougha, qui viennent au Gosto pour quelques moments d'évasion. Renfermé sur lui-même avec un côté faussement anticonformiste, Sofiane trouve l'amour auprès de Sultana, qu'il admire tant. Et c'est précisément cela qui l'empêchera de lui déclarer sa flamme. Sultana donne cette impression d'être sortie tout droit d'un conte des Mille et Une Nuits. C'est la part de l'imaginaire dans le roman. Aveugle, sa cécité la place dans une situation privilégiée puisqu'elle ne peut constater de ses yeux le désarroi des habitants de Kourougha. Malgré la construction désinvolte, les répétitions et les fautes d'orthographe, le ton de Rajaa.K est honnête, voire naïf. Ce qui pose le plus problème dans ce roman, ce sont la haine et le mépris que cultive le narrateur envers les personnages (même envers lui-même), tout en les bloquant par une focalisation interne, le plaçant ainsi, lui-même, dans une position d'omniscience. Le destin des personnages n'est pas entre leurs mains ; il est plutôt entre les mains de l'auteur, qui se joue de leur sort, avec un cynisme aigu. On dénote dans Kourougha le souci évident d'apporter un témoignage, non dépourvu de colère. Plus qu'un roman, Kourougha est un manifeste dépourvu de fantaisie. Et encore une fois, Rajaa.K retombe dans le travers de la “littérature mission”. S. K. Kourougha, de Rajaa.K, roman, 102 pages, éditions El Beyt, Algérie, octobre 2009, 250 DA.