La votation qui a déjoué tous les pronostics et démenti tous les sondages en Suisse par son résultat, qui interdit la construction de minarets sur le territoire helvétique, produit un effet boomerang qui fait trembler le pays de Guillaume Tell. Un peu partout dans le monde, des musulmans se mobilisent via la Toile et les mosquées pour tenter de lui faire payer son initiative. Les sites et les blogs antisuisses se multiplient et appellent les musulmans du monde entier à boycotter les produits et le label suisses. "Les Suisses ne veulent pas de nos minarets, nous ne voulons pas de leurs produits !" Ce slogan, qu'on retrouve dans de nombreux sites Internet arabes comme mqataa.com, qassimy.com ou muslm.net, constitue le mot d'ordre d'une campagne qui semble, sinon minutieusement coordonnée, du moins bien organisée. Les principaux sites et blogs sont lancés et animés à partir d'Arabie saoudite, de Jordanie, des Emirats et du Maghreb. Ils publient et actualisent régulièrement toute une nomenclature de produits helvétiques allant de l'agroalimentaire aux montres, en passant par le célèbre couteau suisse. Certains sites donnent même les numéros des codes barre qui indiquent l'origine suisse des produits. La campagne lancée sur la Toile est de plus en plus relayée par des mosquées à travers plusieurs pays arabes et musulmans. Responsables politiques et opérateurs économiques suisses s'en inquiètent sérieusement, tant les similitudes avec la campagne qui a suivi l'affaire des caricatures du Prophète, qui a coûté des centaines de millions d'euros aux entreprises danoises, est réelle. Le secrétariat d'Etat à l'Economie et le département fédéral des Affaires extérieures ainsi que ceux de l'Intérieur et de l'Economie sont en alerte, de même que les ambassades suisses dans les pays musulmans. Branle-bas de combat, donc. C'est que l'enjeu est de taille ! Rien que pour l'exercice écoulé, la Suisse aurait exporté pour l'équivalent de 10 milliards d'euros dans les principaux pays musulmans. Les banquiers ont aussi des raisons de s'inquiéter dans la mesure où ils gèrent quelque 350 milliards de francs suisses en provenance de pays musulmans, c'est-à-dire plus de 10% du total des fonds déposés dans les banques de la Confédération. Certains sites, plus rares, développent un contenu plus radical et veulent aller au-delà de la sanction économique, en appelant tout simplement à la guerre sainte pour venger l'islam. On peut visionner aussi de nombreuses vidéos sur youtube, visant à écorner l'image de la Suisse et prenant à partie des hommes politiques. De même, des centaines de cyber-attaques ont été enregistrées contre des sites helvétiques dont la page d'accueil a été remplacée par l'image d'une mosquée. Plusieurs semaines après la votation de la discorde, la Suisse n'a pas fini de mesurer les conséquences de son initiative. Incontestablement, l'image du pays s'en est trouvé dégradée, l'islamophobie a fait un bond en Europe et, désormais, ce sont les intérêts suisses qui sont menacés. Sans compter que, conforté par la campagne anti-suisse qui prend de plus en plus d'ampleur, le colonel Kadhafi, qui a accusé la Confédération helvétique de gérer les fonds terroristes d'El-Qaïda, pourrait durcir sa position dans la crise qui oppose les deux pays. En témoigne, en tout cas, le report du procès des deux ressortissants suisses retenus en Libye et que tous les efforts diplomatiques, y compris ceux du président de la Confédération, n'ont pu réussir à faire libérer.