Le départ des ravisseurs et de leurs otages vers le Mali apparaît comme une “fuite politique” qui n'est pas de nature à soulager les forces de sécurité. Le ministre de l'Intérieur peut bien continuer à “croiser les doigts”, comme il le disait la semaine dernière. Pourtant, le sort des touristes européens, détenus depuis des mois au Sahara, n'est plus entre les mains des autorités algériennes. Pendant que les ravisseurs parvenaient à faire traverser 1 000 km de désert à leurs otages et à leur faire traverser les frontières nationales, Zerhouni assurait qu'ils se trouvaient toujours en territoire algérien. Le premier flic du pays était-il si mal informé d'une des plus importantes affaires qui engage l'Algérie sur le terrain de la lutte contre le terrorisme international ? En tout cas, les otages se trouvent au Mali où leur libération est conditionnée par le versement d'une rançon de près de 65 millions d'euros. L'exfiltration opérée dans des conditions insurmontables, liées au climat, au terrain et au déploiement de l'armée, semble être le résultat d'un compromis politique négocié par le président de la République. Devant les parlementaires européens, Abdelaziz Bouteflika s'était engagé en faveur d'une “solution négociée” pouvant ouvrir une “porte de secours aux ravisseurs”. Cet engagement a dû conduire l'ANP à lever le dispositif mis en place autour des monts de Tamelrik en vue d'un éventuel assaut. Mais, devant le risque d'une intervention militaire sur la vie des otages, les autorités allemandes et néerlandaises ont exercé un forcing au profit d'une solution politique qui semble avoir obtenu l'assentiment du chef de l'Etat. Du coup, l'armée, pourtant forte d'un premier succès avec la libération d'un premier groupe d'otages, se voit contrainte d'assumer un échec opérationnel dont elle n'est pourtant pas responsable. Le désaveu est cinglant si les terroristes ont réussi, en plein désert, à sortir du filet qui les encerclait. Il l'est davantage si les militaires, contre leur gré, ont assuré l'escorte des terroristes, jusqu'à la frontière malienne. En tout cas, il est difficile d'imaginer les ravisseurs traverser le désert avec leurs otages sans être repérés. Le président Bouteflika a peut-être opté pour une telle issue afin d'échapper à la demande des autorités allemandes de participer à une intervention militaire. Ce qui aurait été perçu comme une grave concession par rapport à la souveraineté. Pour les mêmes raisons, l'Algérie avait refusé, en 1994, une intervention des gendarmes français dans l'affaire de l'avion d'Air France, pris en otage sur le tarmac de l'aéroport d'Alger. Face au refus du gouvernement de laisser faire les forces de sécurité algériennes, un compromis fut trouvé. Il consistait à autoriser le départ de l'avion en vue d'une intervention militaire sur le sol français. Si le Mali est moins sourcilleux sur la question de souveraineté, il autorisera une intervention militaire étrangère sur son territoire. En attendant, les négociations sont en cours pour le versement d'une rançon de 4,6 millions d'euros pour la libération de chaque otage. De telles négociations sont contraires au principe universel qui consiste à ne point céder au chantage des terroristes. Céder à un tel chantage consiste à susciter des vocations et constitue un encouragement aux terroristes. C'est un principe normalement rigide qui s'impose à l'ensemble de la communauté internationale, y compris lorsque les demandes des ravisseurs ne sont pas d'ordre financier. Le dernier exemple connu sur la scène internationale, même s'il n'est pas un modèle en terme de dénouement, est celui de la prise d'otages dans un théâtre de Moscou. Dans le cas des otages du Sahara, la question est d'autant plus lancinante que le GSPC est répertorié parmi les organisations terroristes liées à Al-Qaïda. Ce qui rend la communauté internationale en devoir de le combattre. Mieux encore, à bloquer ses avoirs avérés et à assécher ses sources de financement. L'Algérie, qui ne finit pas de souffrir du terrorisme, a ainsi été amenée à déroger à un principe universel en la matière. Sur un plan purement opérationnel, les forces de sécurité se trouvent privées de la possibilité de neutraliser un groupe terroriste. R. B.