En s'ouvrant aux producteurs audiovisuels privés, la télévision algérienne ne croit pas si bien faire pour irriguer une programmation battue en brèche par le manque d'imagination et l'unanimisme doctrinaire. Pour autant, la chronique de ce samedi n'a nullement l'intention de revenir sur une telle problématique. Son argumentaire tournera plutôt autour de l'Emir Abdelkader. Plus précisément sur le documentaire que lui a consacré un producteur privé, à l'affût de tous les événements historiques dont la télévision nationale est particulièrement friande. Jusque-là, il n'y a rien d'incongru, me diriez-vous, et vous n'auriez pas tort même si le recours au patriotisme inhibiteur sert souvent d'alibi à certains esprits chagrins dont la préoccupation centrale demeure le clientélisme et le gain facile. Sinon comment expliquer le fait qu'une télévision nationale continue à accorder une place importante à la thèse fallacieuse qui consiste à soutenir que l'Emir Abdelkader était un franc-maçon alors que le disciple de Mohieddine Ibn Arabî n'avait jamais été revendiqué, avant la date fatidique de juillet 1860, par le Grand Orient de France ? Le choix de cette date était loin d'être casuel. Il intervenait, en effet, en septembre 1860 donc aux lendemains de la décision historique que choisira l'Emir pour prendre sous sa protection la communauté chrétienne à laquelle il permit d'échapper, lors des émeutes de juillet 1860 de Damas, à des massacres savamment planifiés. Cette attitude, somme toute naturelle de la part d'un fidèle musulman, avait eu un écho considérable dans le monde entier, et surtout en Occident. Beaucoup de chefs d'Etat témoignèrent au résistant leur reconnaissance sans oublier le pape qui le fut décoré de l'ordre de Pie IX. Dans son attitude qualifiée de tolérante, l'Emir n'avait fait qu'obéir aux préceptes coraniques et prophétiques, rien de plus, estiment certaines sources : “Les versets et propos prophétiques relatifs à la tolérance sont abondants et l'Emir n'avait fait que son devoir de simple croyant pour préserver le droit des minorités religieuses en terre d'Islam.” Voulant profiter de la situation, la franc-maçonnerie s'est adjointe au concert de félicitations et remerciements. Dans les deux lettres envoyées en septembre 1860, l'impression de récupération du geste de l'Emir, pour qu'il apparaisse comme émanant d'un prétendu idéal maçonnique, est vite donnée. A. M. [email protected]