La problématique du financement des grands projets renvoie nécessairement à l'état d'avancement de la réforme du système financier et bancaire. Cette réforme, dont les premiers jalons ont été posés dans les années 90 par la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit, s'impose comme une nécessité incontournable aujourd'hui, compte tenu de la raréfaction des ressources du pays conséquemment à la crise financière internationale et ses effets induits sur l'économie mondiale réelle. Elle l'est d'autant plus que le nouveau programme de développement 2010-2014 estimé à plus de 150 milliards de dollars, exigera une forte capacité de mobilisation de fonds indispensables au financement des nouveaux projets. L'Algérie face à un choix complexe L'Algérie, malgré ses réserves de changes relativement confortables, se trouve face à une problématique complexe. D'une part, elle devra poursuivre sa politique de développement économique et social telle qu'affirmée dans le programme électoral du président de la République et, d'autre part, éviter de recourir au financement extérieur au risque de remettre en cause sa démarche de désendettement anticipé qui a contribué à mettre le pays à l'abri des turpitudes du système financier international. Cette complexité est accentuée par l'instabilité des cours du pétrole, du moins tant que la croissance de l'économie mondiale ne repart pas réellement à la hausse. Le secteur bancaire national, bien qu'il ait été recapitalisé et dispose de surliquidités (les liquidités bancaires se sont accrues ces dernières années de 42, 2% passant de 2000, I milliards de dinars en 2007, à 2845,95 milliards de dinars à fin 2008), ne peut faire face aux nouveaux besoins sans risques et sans s'assurer de la garantie de l'Etat. L'ouverture du capital des banques algériennes (notamment le CPA) aux partenaires étrangers a été ajournée pour des raisons à la fois politiques mais aussi de prudence dans la gestion des ressources. En contrepartie, cette option a permis de limiter l'impact de la crise financière internationale. Reste donc le choix entre différentes hypothèses. Il s'agit d'opter pour les modes de financement les mieux adaptés à nos réalités économiques et financières tout en tenant compte des pratiques universelles, pour ne pas demeurer en reste de la dynamique de globalisation de l'économie mondiale et des mécanismes de son financement. Dans une déclaration à un quotidien de la presse écrite nationale, Joseph Stieglitz, prix Nobel d'économie, a estimé à propos des réserves de changes détenues par l'Algérie : que “détenir d'importantes réserves de changes est un atout majeur pour le développement d'un pays à condition de bien les utiliser en favorisant notamment l'investissement à long terme pour instaurer une croissance durable”. Tirer les enseignements du passé Il est donc nécessaire de tirer les enseignements de l'expérience passée, aussi bien dans les modes de financement, que dans l'association des opérateurs nationaux publics et privés dans la réalisation des mégaprojets structurants. Comme il s'agira également d'impliquer les capacités locales d'études et d'ingénierie en association avec les partenaires étrangers dans les études de faisabilité, de rentabilité et de gestion de ces projets, pour permettre le transfert du savoir-faire. Réda Hamiani a déclaré lors du séminaire portant sur la stratégie de financement des grands projets (Project finance) organisé à l'hôtel El-Aurassi le 11 janvier 2010 : “notre pays s'est investi dans un vaste programme de réalisation d'infrastructures financé par le Trésor public, on aurait dû faire des arbitrages pour laisser la prise de risque aux investisseurs étrangers et soulager ainsi le budget de l'Etat”. Il a par ailleurs, regretté la non-implication des entreprises locales dans la réalisation des infrastructures. Il a enfin souhaité que pour le second plan quinquennal, les entreprises locales soient mises à contribution. Un panel de modes de financement existe S'agissant des modes de financement, un panel de formules existe. Lors du même séminaire, le représentant du ministère des Finances a lu un message de Karim Djoudi qui affirme notamment : “Tous les programmes de développement que veut réaliser l'Algérie vont induire un besoin de financement important en volume et en nature. Cette question pose la problématique du financement de l'investissement”. Il a également décliné les différentes mesures prises en vue de diversifier les modes de financement des projets (Fonds national d'investissement, le fonds d'investissement par wilaya). Enfin, le ministre appellera les banques à maîtriser leur stratégie de financement au service de l'économie nationale. Après leur recapitalisation et la baisse de leur taux d'intérêt, les banques algériennes interviennent de plus en plus dans le financement de l'économie, notamment en direction des PME et PMI mais aussi dans celui des méga- projets, par le recours au système de Project Finance. C'est-à-dire une formule qui permet de “rassembler, combiner et structurer les divers apports de fonds nécessaires à des investissements de grande envergure” tels les infrastructures de base, le transport, les complexes industriels, l'énergie… Ces capitaux peuvent être publics, privés ou mixtes. Ce mode de financement est conditionné cependant par la viabilité et la rentabilité des projets auxquels il est appliqué. En d'autres termes, la formule du Project financing exige que “le projet soit en mesure de générer des revenus stables”. Il doit, en outre, être en mesure de couvrir son coût, de rembourser les prêts levés pour sa réalisation, et d'assurer la rémunération des fonds propres des actionnaires. Ce mode de financement pose le problème de la rentabilité économique et financière des projets et parfois, il entre en contradiction avec la politique sociale que mènent les pouvoirs publics. L'investisseur privé, national ou étranger guidé, et c'est normal, par la recherche du profit, voudra imposer une politique des prix fortement rémunératrice. L'exemple du prix de l'eau subventionné par l'Etat renvoie nécessairement à la nature du financement des ouvrages hydrauliques. Le choix se fera entre les crédits à concours définitifs financés par le Trésor public, ou le recours aux capitaux privés avec une politique des prix qui couvrent les coûts d'investissement et d'exploitation et qui dégagent une marge bénéficiaire. Dans d'autres pays, le mode de financement appelé BOT est généralement appliqué dans ce type d'ouvrages et d'autres infrastructures de base telles que les autoroutes. Cette formule est basée sur le système de concessions. Dans ce cas, l'investisseur finance, réalise exploite le projet pendant une certaine période (généralement 99 ans) et le transfère ensuite aux pouvoirs publics. Il va de soi que c'est l'investisseur qui fixe les tarifs de péage pour l'autoroute et le prix de l'eau pour les barrages. En tout état de cause, le mode de financement qui semble s'imposer en dehors des concours définitifs, est le “Project Finance”. Selon le PDG de l'Algérienne Energy Compagny (AEC) : “Sur les 13 stations de dessalement réalisées ou en cours de réalisation, grâce à ce type de montage, l'apport des banques publiques se situe entre 70% et 80%”. Au-delà des modes de financement, qui en définitive renvoient aux techniques bancaires et budgétaires usitées universellement, il importe pour les pouvoirs publics algériens de veiller, à travers les institutions de contrôle compétentes, à la régularité et à la transparence des opérations de financement ainsi qu'aux conditions de passation des marchés publics relatifs aux grands projets.