Les observateurs ne s'y sont pas trompés : les “ziarate” de Bouteflika aux différentes wilayas du pays ont vite pris l'allure de démonstrations de campagne. Le folklore aidant, ces sorties sur le terrain sont, en effet, de véritables kermesses populaires qui ne sont pas sans rappeler les grands shows électoraux. On peut légitimement faire le grief aux organisateurs des sorties présidentielles, qu'ils soient à El-Mouradia ou bien au niveau des officines attachées à l'administration locale, de faire dans un zèle que l'on croyait révolu, comme cette “technique” qui consiste à procéder à de véritables détournements de population pour fabriquer des bains de foule. Mais il est tout aussi légitime que le staff du Président et ses conseillers en communication optent délibérément pour ce mode archaïque de “marketing populiste”. Ce n'est pas cela le problème. Là où le bât blesse, en revanche, c'est dans le fait que l'administration (ici, les services de la wilaya) cultive sciemment l'amalgame entre l'agenda d'un chef d'Etat en tournée en sa qualité de Président de tous les Algériens et le “candidat” Bouteflika, parti prématurément en campagne et profitant grassement des moyens publics pour marquer des points à ses adversaires potentiels. À Aïn Defla, nous l'avons vu à travers des banderoles invitant le locataire d'El-Mouradia à briguer un second mandat comme le démontre cette banderole accrochée sur le fronton du bureau local de l'Organisation nationale des enfants de chouhada et sur laquelle on peut lire : “L'ONEC-Aïn Defla vous invite à vous présenter pour barrer la route aux opportunistes et aux courtiers de la politique.” Au demeurant, que de tels appels occupent l'espace visuel qui leur est imparti — les organisations sont dans ce cas autorisées à exprimer leur soutien à qui elles veulent — passe encore. Mais que les murs des institutions de l'Etat fassent dans la propagande, urbi et orbi, à cor et à cri, au profit du candidat Bouteflika, voilà qui n'est pas catholique. Et nous en avons un cas flagrant à travers cette banderole accrochée à l'entrée du siège de la wilaya de Tipasa (voir photo) et qui dit clairement : “La coordination des comités de soutien au programme du chef de l'Etat souhaite la bienvenue à Son Excellence le président de la République.” De quel droit une association citoyenne accapare-t-elle l'espace (censé être neutre) de la wilaya pour exprimer son soutien au programme du Président-candidat ? Les dérapages de ce type sont légion. Et ils battent déjà la mesure des affrontements à venir qui promettent d'être sans merci entre Bouteflika et ses adversaires, Benflis en tête. M. B.