Le travail à domicile s'est si bien accéléré depuis quelques années qu'on assiste à un véritable marché de l'emploi. “Jeune femme cherche garde-malade pour une dame âgée”. C'est là une annonce placée par une jeune femme cherchant une garde-malade pour sa maman souffrante. “Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d'appels que je recevais par jour. Des jeunes filles diplômées, des mères de famille et, le plus surprenant, ce qui m'a intriguée, ce sont les coups de téléphone de la part des hommes qui se disaient prêts à assumer la tâche”, s'étonne encore notre interlocutrice. Elle nous cite le cas de ce technicien de la Santé qui ne trouverait “aucun empêchement” à faire le garde-malade. Noura, employée de banque, a également essayé de trouver une nourrice pour ses deux enfants. “J'ai regretté d'avoir publié une annonce dans un journal. Un nombre inimaginable de femmes m'ont contactée. Ce sont toutes des femmes au foyer qui déclarent avoir de l'expérience dans ce domaine. Mais j'ai fini par trouver quelqu'un juste à côté de chez moi grâce au moyen de communication que j'estime le plus efficace : le bouche-à-oreille.” En effet, depuis quelques années, le travail à la maison ou à domicile s'est développé de manière incroyable. Par manque de postes d'emploi pour les diplômés et avec une conjoncture économique de plus en plus difficile, tous les boulots sont bons à prendre pour gagner quelques sous. Nourrice, garde-malade ou prendre en charge des enfants scolarisés, donner des cours, rouler du couscous, confectionner des gâteaux (pour des mariages et fêtes), préparer des mets à base de pâte (pain maison, diouls, mhadjeb, ftir…), sont considérés comme une source de revenus pour beaucoup de femmes. Pour certaines, le travail à domicile est un moyen aussi de garantir une vie tranquille loin du stress en milieu de travail. Pour d'autres, une obligation pour subvenir aux besoins d'une famille à charge. Quand les hommes s'y mettent Avec la crise économique, le chômage et la cherté de la vie, ces emplois à domicile, qui étaient “réservés” particulièrement aux femmes, surtout celles sans diplômes et au foyer, aujourd'hui, sont également pratiqués par des jeunes, étudiants (es) ou au chômage en attendant de trouver un emploi stable. Des jeunes filles, des enfants qui ont déserté l'école et des jeunes hommes au chômage. “Après avoir perdu son emploi, mon mari ma proposé de préparer du pain maison (pain aux olives très prisé) qu'il vend lui-même aux épiceries. En plus, je garde des enfants dont les mamans travaillent, alors, souvent, il fait la nourrice quand je suis à l'extérieur de la maison”, avouera Nacera, la quarantaine, femme au foyer. Amine est un jeune chômeur à Bab El Oued. “Après avoir cherché du travail pendant deux ans, j'ai fini par apprendre à faire des mhadjeb (pain très fin farci avec des oignons et des tomates) que je vends aux épiceries. Ce travail me permet de gagner un peu d'argent.” Karim était pâtissier dans un hôtel, après quelques années de chômage, il a fini par travailler à son compte chez lui. “Je prépare des gâteaux et de la pâtisserie à domicile et je les livre aux magasins. Aujourd'hui, j'ai ma propre clientèle et je gagne plus que dans un hôtel.” Les activités les plus demandées à domicile Les crèches trop chères et pas toujours disponibles dans certains quartiers, les mamans préfèrent les “gardes d'enfants”. “Quand mon fils, âgé de 2 ans, était dans une crèche privée, j'avais du mal à le déposer le matin. Il s'accrochait à moi et ne voulait pas rester. J'ai fini par trouver une femme juste à côté de chez moi qui a accepté de le garder toute la semaine de 8h à 17h pour 3 000 DA. Il a fini par s'adapter et a fait des autres garçons ses copains, qu'il quitte difficilement à la fin de la journée”, nous racontera Amel, enseignante. En effet, la majorité des femmes au foyer dans tous les quartiers pauvres ou riches, ont trouvé dans cette activité une source de revenus considérables. Elles ne sont pas les seules d'ailleurs, les jeunes étudiantes en vacances financent leurs études grâce à la garde des enfants. Donner des cours du soir est également un travail à domicile qui rapporte. “Après mon mariage, mon mari ne voulait pas que je travaille. Nous étions à l'aise financièrement. Après la naissance des enfants, nous commencions à sentir sérieusement la cherté de la vie. Licenciée en langue française, j'ai décidée de donner des cours d'appui aux élèves de tous les niveaux. Sincèrement, quand j'entends tous les problèmes que rencontrent les enseignants, je me dis que j'ai bien fait de travailler chez moi. Il est vrai que je ne touche pas une paye, mais l'argent que je gagne me suffit largement pour aider mon mari. Je pense que travailler depuis chez soi quand on a les moyens tels que l'internet, le téléphone et le fax permettrait à beaucoup, surtout les femmes, de s'occuper de leurs enfants et de leur foyer en mêlant vie professionnelle et vie familiale”, nous racontera Amina. Parmi les emplois qui se font aussi à domicile, des centaines de femmes au foyer travaillent occasionnellement ou régulièrement pour des épiceries en préparant toute sorte de sucreries et pâtes (dioule, rechta, chakchoukha et autres). D'autres roulent de grande quantité de couscous et confectionnent des gâteaux (traditionnels) pour les fêtes et mariages contre une importante somme d'argent. Dans d'autres régions de l'Algérie, les femmes au foyer ne chôment pas non plus. Elles tissent des tapis et des burnous. Elles cultivent la terre, elles font l'élevage et la cueillette des olives. Tous ces travaux font gagner de l'argent à ces femmes réduites en esclavage il ya quelques années de cela. LE TRAVAIL DES FEMMES À TRAVERS LE TEMPS Depuis des siècles, la femme a pratiqué des métiers à domicile pour les besoins de sa famille et ses propres besoins uniquement. Aujourd'hui, elle fait sortir ses métiers en dehors de sa maison, de sa ville et même vers d'autres pays. “Mon travail a commencé par la préparation de gâteaux pour les mariages. Cet été, ma nièce s'est mariée en France, alors ma sœur m'a demandé de lui préparer des gâteaux traditionnels et de les envoyer en France. Une fois le mariage célébré, ma sœur me téléphone pour me demander de confectionner de grandes quantités de gâteaux pour ses amies françaises. Il paraît qu'elles ont adoré nos confiseries. Et c'est à partir de là que j'ai commencé à livrer en France à chaque occasion des colis de gâteaux et je recevais mon argent par la poste”, nous révélera Kaltoum, femme au foyer. Exploitée par les hommes de la famille comme une “bête de somme” et considérée comme un instrument de production majeur, Aujourd'hui, les femmes au foyer sont devenues de vraies commerçantes et font “bourse à part” de leur mari.