Notre EN de foot finit la CAN avec une honorable quatrième place. Et, chose importante, avec un public de nouveau gagné à sa cause. Alors, place au Mondial ? Pas si vite. Ce sera dur, très dur en Afrique du Sud. Car si cette équipe a montré des qualités indéniables, elle a aussi fait étalage de faiblesses criantes. Dresser le bilan de la prestation des Verts lors de la phase finale de la CAN 2010 n'est certainement pas un exercice facile. Une telle tâche est en principe dévolue aux experts en la matière. Ils auront certainement à faire état de leurs remarques et de leurs suggestions. Et il va falloir les écouter. Il ne faut surtout pas se fier à cette réaction, d'apparence triomphaliste, du public algérien. Certes, les Algériens ont envahi la rue à l'issue de la demi-finale perdue contre les Pharaons, mais leur but était non pas de célébrer la troupe à Saâdane, mais surtout de rire au nez de l'Egypte qui venait de voler sa qualification en finale. Cette réaction collective a d'ailleurs vite laissé place aux appréciations individuelles. Elles sont aussi éloquentes. Des choix de l'entraîneur aux prestations des joueurs, en passant par les dispositifs tactiques au fil des matches, on en a entendu des vertes et des pas mûres. Il est vrai que le match livré face aux Ivoiriens ne sera pas oublié de sitôt. Il fut beau, plein d'engagement et plaisant. Commençons donc par là, revoyons ce “match de référence” et essayons de cerner de près les secrets de cette victoire. Ce jour-là, les Verts ont eu le mérite de ne pas baisser les bras lorsqu'ils étaient menés 1 à 0. Mais l'addition aurait pu être plus salée tant ils avaient, comme toujours, mal entamé le match. En revanche, ils ne doivent la seconde égalisation qu'à la rage de vaincre d'un joueur, Bougherra. Un schéma tactique statique Revenant lui-même sur ce but, il raconte qu'il a pris la décision de monter devant et de laisser aux autres défenseurs le soin de protéger leur surface. Sur ce, Belhadj use de son talent individuel, mais aussi de son endurance physique et envoie un centre au second poteau du gardien ivoirien. Bougherra était là. Puis vinrent les prolongations et le troisième but, celui de la victoire. On jouait la 95e minute. Alors qu'il était au bord de l'épuisement suite à une incroyable débauche d'énergie (il allait quitter le terrain 10 minutes plus tard), Ziani fait l'effort de récupérer sur le flanc gauche un ballon qui s'en allait mourir en touche et, de l'extérieur du pied droit, adresse un centre millimétré sur la tête de Bouazza, lequel n'a eu aucune peine à mettre la balle au fond des filets ivoiriens. Encore une réalisation entièrement due au talent d'un joueur. Bien sûr, le talent d'individualités et la hargne d'autres sont des points forts pour une équipe. Mais cela ne suffit pas à faire une équipe, loin s'en faut. Oui, il y eut un tas d'occasions algériennes durant le dernier quart d'heure, mais il y eut autant de ratages. L'erreur à ne pas faire est de retenir les occasions en oubliant les ratages. On avait aussi remporté d'autres matches, comme celui contre le Mali, de la même manière. Ou presque. Souvent, trop souvent, sur balle arrêtée. Et, trop souvent aussi, sur des actions initiées par les mêmes Belhadj et Ziani. Cela ne pouvait pas durer, encore moins marcher à tous les coups : d'abord parce que les deux joueurs allaient tôt au tard manquer de fraîcheur physique (ou se blesser), ensuite parce qu'il n'est jamais bon de jouer tous ses matches selon le même choix tactique. Saâdane et les Verts l'ont vérifié à leurs dépens face aux Egyptiens, l'arbitrage du scandaleux Koffi Codjia mis à part. Shehata, l'entraîneur des Pharaons, n'avait pas besoin d'être un fin tacticien pour concocter un plan de riposte infaillible. Il avait tout le loisir d'observer, comme tout le monde, que la source du danger, côté algérien, était exclusivement dans la paire Belhadj-Ziani. Les techniciens égyptiens, comme beaucoup d'autres, qui avaient eu à intervenir sur les plateaux de télé, l'avaient dit et redit. Shehata n'en pensait pas moins, lui qui a instruit Ahmed Hassan, le capitaine des Pharaons qui, d'habitude, se balade librement sur tout le terrain, de rester constamment, avec El-Mohammadi, sur le flanc gauche des Verts, précisément là où évoluaient Ziani et Belhadj. Le groupe et l'effort mal gérés Le résultat en a été l'inévitable scénario : notre EN était bloquée, paralysée, incapable d'inquiéter l'arrière-garde égyptienne. Pour Belhadj, il était impossible, dans de telles conditions, de produire son jeu habituel. Gagné par l'énervement, il finira par péter les plombs et commettre le geste qu'attendait Koffi Codjia pour l'expulser. Ce fut le vrai tournant du match, car moyennant quelques changements dans le dispositif tactique, l'Algérie, y compris après la sortie de Halliche et le penalty cadeau de l'arbitre, était encore capable de revenir au score. Mais ces changements n'ont pas été opérés. Pourquoi ? Sâadane n'avait-il pas d'autre choix que d'enfermer son onze dans une stratégie qui, visiblement, ne fonctionnait pas ? Le prétexte d'un manque de doublures ou d'effectif compétitif est-il recevable ? Non, car il y a eu surtout un déficit en matière de gestion du groupe. Forcés de s'envoler en Angola sans un Djebour qui avait fait ses preuves, les Verts ont été inexplicablement privés de l'apport de Ghilès. Saâdane avait également sacrifié le jeune et talentueux Meftah qui aurait pu faire étalage de sa classe sur le flanc droit et ainsi donner au jeu de l'équipe cette variété qui lui fait défaut. De même, Lemouchia pouvait en effet remplacer, sans peine, l'un de ses coéquipiers, ne serait-ce que dans le souci de répartir l'effort physique sur l'ensemble des sélectionnés, comme cela se fait dans les tournois de ce genre où les joueurs livrent match sur match. D'autant que cette CAN devait servir aussi à la préparation des Verts du Mondial. Rédha Babouche, qui a fini par jouer en l'absence de Belhadj, aurait dû être aligné bien avant. Il est connu, lui aussi, pour sa solidité défensive et ses qualités offensives qui, à l'occasion, s'avèrent foudroyantes. Contre le Malawi, par exemple, puisque la chaleur et l'humidité ont été présentées comme les facteurs ayant causé la déroute des Verts, les Raho, Babouche et Lemouchia auraient peut-être eu un meilleur rendement, eux qui connaissent les conditions de jeu et le climat africains. Une raison supplémentaire qui plaide en faveur d'un tel choix : Antar Yahia, blessé, aurait dû être laissé plus longtemps au repos. Il n'en aurait été que plus performant lors des confrontations suivantes. Des questions en suspens Le même raisonnement tient pour Megheni, qui a été, lors de cette CAN, en deçà de son niveau habituel. Osons alors les vraies questions : pourquoi Saïfi, un joueur renvoyé par son club, un mal-classé du championnat qatari, fait-il figure d'incontournable chez les Verts, dans une compétition aussi huppée que la CAN ? Pourquoi certains joueurs jouent-ils invariablement, quelle que soit leur forme physique ? La réponse est peut-être dans l'affaire Lemouchia qui, à ce jour, n'a pas livré tous ses secrets. Si le joueur a tenté de s'imposer dans le onze rentrant comme avancé par les médias, on avance également qu'il n'a fait qu'imiter certains de ses coéquipiers. Avec toutefois moins de réussite puisqu'il a été éjecté du groupe. Cette affaire renvoie à la gestion catastrophique du volet communication, notamment vis-à-vis de la presse nationale, tantôt boycottée, tantôt accusée de traîtrise pour son manque d'empressement à applaudir une équipe souvent amorphe. Une presse nationale sommée d'acquiescer aux prétextes climato-météorologiques quand la presse occidentale, elle, a droit à des aveux plus techniques de joueurs.