En Algérie comme ailleurs, le passage d'un marché émergent à une véritable économie émergente n'est pas une navigation sur un long fleuve tranquille comme l'ont cru quelques-uns et le croient encore certains autres. Cette transition dans la transition est la problématique nodale actuelle de l'économie algérienne. Cette problématique se pose en termes économiques, mais surtout en termes politiques compte tenu du poids des rentes résiduelles et de l'ampleur des inerties et des intérêts qui contrarient encore cette transition vers une économie productive compétitive. D'abord, il est vrai que tout le monde convient, à commencer par nos principaux partenaires commerciaux, que le marché algérien est un grand marché émergent. Mais pour autant, l'offre algérienne de biens et de services est loin d'être celle d'une économie émergente de même taille et de même potentiel. Les libéraux pensent toujours — à tort — que les forces du marché suffisent, grâce à “leur main invisible” à réorganiser et rendre compétitive l'offre algérienne. À l'inverse d'autres, plus orthodoxes, pensant quant à eux que la seule intervention de l'Etat, en “réprimant” par exemple les importations, pourrait enclencher un cercle vertueux de croissance hors hydrocarbures. Pour ce qui me concerne, je considère que ces deux visions, qui ont été ou sont mises en œuvre, offrent toutes les deux des solutions incomplètes et par conséquent inefficaces au vu des performances actuelles de notre économie. Dans le processus de réformes économiques, la prise de conscience de la priorité à accorder au soutien de l'offre publique et privée a été très tardive et demeure encore insuffisante. Rappelons que l'on avait tout simplement inversé l'ordre des priorités en commençant dans le début des années 90 par l'ouverture commerciale tous azimuts. On a persisté ensuite dans cette démarche par l'accession à la zone de libre-échange de l'Union européenne (UE) puis plus récemment par l'adhésion à la zone arabe de libre-échange (Zale). En général, lorsqu'un pays intègre des espaces régionaux de libre-échange c'est pour stimuler ses exportations. Pour nous, c'est l'inverse qui se produit. Un exemple édifiant : la Zale. Les importations de l'Algérie en provenance de la Zale ont augmenté de 46,6% en 2009 à hauteur de 1,6 milliard $, alors que les exportations vers cette dernière ont chuté de 50% avec en plus une diminution de recettes douanières de 10,4 milliards DA. Cet exemple est d'autant plus intéressant à relever que globalement les importations algériennes n'ont pas augmenté en 2009. C'est pour cette raison qu'il serait pertinent d'analyser la structure de ces importations algériennes de 2009 en provenance de la Zale et accessoirement cela peut aider à compléter les listes négatives. Mais il faut néanmoins concéder qu'il y a de la part des pouvoirs publics une récente prise de conscience de la nécessité d'accompagner voire de soutenir l'offre nationale de biens et de services. On peut citer la révision annoncée du Code des marchés publics pour impliquer davantage les entreprises algériennes par notamment l'augmentation de 10% à 20% du taux de préférence nationale en matière de prix face au moins-disant non résidant. On peut également noter le “programme unifié” (enfin) de mise à niveau de 20 000 entreprises toutes tailles confondues afin de leur permettre de placer sur les marchés étrangers, en commençant d'abord par ceux de nos espaces de libre-échange, des produits aux normes internationales. En attendant la mise en œuvre de la “stratégie industrielle” qui devrait commencer par l'installation annoncée des sept champions industriels publics, on peut rappeler les dernières actions de consolidation financière du groupe Cosider et la sauvegarde par Sider de l'outil sidérurgique d'Annaba. Enfin, la SGP Construmet a lancé l'ouverture du capital de onze EPE dont Batimetal. On verra comment le marché réagira aux nouvelles dispositions sur l'investissement. Mais tout cela ne sera pas suffisant rapporté seulement à la demande économique et sociale interne et à celle induite par le programme quinquennal de développement en cours de finalisation. À l'international, les deux courants de pensée dont je parlais plus haut s'agissant de l'Algérie, s'affrontent dans les arènes prévues à cet effet. Ainsi en témoignent les débats du 40e Forum économique international de Davos (WEF) portant sur la régulation du secteur bancaire. Le président Obama avait déjà anticipé, soulevant de vives réactions à Wall Street, en déclarant voir séparées les activités de banque universelle de celle des activités de spéculation. Il a été soutenu à Davos par le président français Sarkozy devant un auditoire divisé sur la question. Ce dernier a ajouté que cette question sera à l'ordre du jour de la réunion du G20 prévue en France. D'ici là, on verra chez nous comme ailleurs ce qui se passera et surtout ce qu'en pensent les BRIC qui souhaitent quant à eux un nouvel ordre économique et financier international. Affaire à suivre les prochains semestres. En attendant les revenus de traders et les bénéfices des banques battent de nouveaux records.